La chronique de Richard Liscia

Les grandes manœuvres continuent : le brouillard recouvre la campagne

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Publié le 27/02/2017
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LE BROUILLARD RECOUVRE LA CAMPAGNE

LE BROUILLARD RECOUVRE LA CAMPAGNE
Crédit photo : AFP

Dans cette lente reconfiguration des forces en présence, M. Macron sembler tirer son épingle du jeu. Deux Français sur trois se déclarent favorable à la décision de François Bayrou et l'ancien ministre de l'Économie bénéficie d'une dynamique indéniable, même si, dans les sondages, il fait à peu près jeu égal avec François Fillon. On peut dire, avec prudence, qu'il existe désormais deux alternatives crédibles à l'inexorable marche en avant du Front national : les Républicains et En Marche ! Mais tous les dés n'ont pas été jetés. Dans ce vaudeville où se débattent les leaders de la gauche et de l'extrême gauche, les discussions restent interminables. On croyait que Jean-Luc Mélenchon avait rejeté l'offre de rapprochement que lui avait faite M. Hamon, il n'en est rien. Jeudi dernier, le leader du Parti de gauche affirmait qu'il allait reprendre langue avec M. Hamon.

Le puzzle des recompositions ne doit pas nous inciter à penser que les voix de deux figures de proue s'additionnent automatiquement s'ils se rabibochent. La preuve a été largement fournie depuis quelques mois de la versatilité de l'électorat, plus prompt à brûler ce qu'il a adoré que fidèle à une idéologie. M. Mélenchon, s'il rentrait dans le rang socialiste, serait sans doute désavoué par une bonne partie de ceux qui voient en lui l'homme qui va renverser la table. Il n'empêche qu'un accord avec M. Hamon placerait sans doute celui-ci au dessus de 20 %, ce qui, du coup, en ferait un autre candidat capable de battre Marine Le Pen au second tour.

Cela n'irait pas sans une vive radicalisation du candidat socialiste et sans en faire un épouvantail pour la droite et le centre. La subtilité analytique pourrait même nous autoriser à penser que le renforcement de la gauche galvaniserait  une droite déjà ulcérée de voir peu à peu s'échapper la chance unique qu'elle avait de revenir aux affaires dans le cadre d'une alternance qui, il y a encore quelques semaines, paraissait inéluctable. En tout cas, la perspective d'un rassemblement de la gauche, si faible et si hasardeuse qu'elle soit pour elle, nous empêche de dire vers quel ordre de bataille nous nous dirigeons. Non seulement, ces élections générales ne sont à nulle autre pareilles, mais le suspense électoral risque de durer jusqu'au premier tour.

Une gauche qui se radicalise, une droite qui s'affadit

D'autant que François Fillon peine à sortir des difficultés où l'ont plongé ses difficultés judiciaires. Gentil et affable, M. Macron et ses autres rivaux ne se privent pas de lui rappeler de temps en temps qu'il ne devrait pas être candidat. L'ancien Premier ministre semblait avoir réussi à s'imposer, en dépit des casseroles qu'il traîne, aux Républicains et au centre, mais on note encore des conflits de tendances, notamment avec Alain Juppé. Ils ravivent des tensions sous-jacentes, les partisans de M. Fillon rappelant au maire de Bordeaux que la grande amitié qui le lie à François Bayrou n'a pas empêché le maire de Pau de trahir son camp, une fois encore. Pour la droite pure et dure, M. Bayrou, décidément, ne sert qu'à la priver de ces quelques points cruciaux qui font qu'un candidat parvient à franchir tous les caps. De sorte que M. Fillon doit maintenant surmonter les querelles, passer avec ses alliés juppéistes ou centristes un accord d'airain, et, peut-être, s'efforcer de ne pas affadir son programme.

Tâche contradictoire : M. Hamon, frondeur, risque de de devenir le champion de l'ultra-gauche en faisant des concessions à M. Mélenchon, qui s'y entend pour poser ses conditions sous la forme d'un ultimatum. M. Fillon, inversement, a déjà noyé son programme santé dans l'eau bénite de la compassion pour ses 65 millions de concitoyens et pourrait reculer sur la réduction des dépenses publiques, condition sine qua non du redressement. Il ne faudrait pas que sa plate-forme finisse par ressembler à celle de M. Macron. Ce qui fait l'intérêt de M. Fillon, c'est qu'il a proposé à une France malade le traitement de choc dont elle a besoin.

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9559