Les IPA vont-elles trouver leur place ? Créée en 2018, la profession d’infirmière en pratique avancée ambitionne d'améliorer l’accès aux soins et les parcours des patients, dans un contexte de démographie médicale en grande souffrance.
Mais faute de clarification de leur périmètre d'intervention et, en ville, d'un modèle économique viable, leur montée en charge reste lente (encadré). Lors d'un colloque à Paris, la semaine dernière, l'Union nationale des infirmières en pratique avancée (Unipa) s'est employée à rechercher – avec les médecins, les Ordres, les doyens…– des mesures « consensuelles » pour mieux installer dans le système de soins cette jeune profession, qui intervient dans le cadre d’une équipe coordonnée par un médecin, dans une poignée de spécialités*. Des IPA doivent débarquer aux urgences en octobre, notamment à Marseille. Une spécialité où leur place a longtemps fait débat dans le corps médical.
Coordination et non concurrence
Le premier défi concerne la clarification du champ d'intervention, donc l'autonomie. Julie Devictor, présidente du Conseil national professionnel (CNP) des IPA, souligne que leur rôle est à « différencier des infirmiers spécialisés qui exercent avec un protocole de soins ». « Une IPA est autonome pour organiser des interrogatoires, évaluer les patients sur les troubles existants, les fragilités, les addictions, souligne-t-elle. Après cette évaluation clinique, elle met en place des actions en lien avec ce qu’elle a repéré ». Dans les faits, cette autonomie reste limitée – les IPA ne pouvant pas initier de traitements sans le médecin.
Or, l'Unipa milite de longue date en faveur de la primo-prescription (soins de pédicurie, transports, compléments nutritionnels… ) et d'un accès direct dans des domaines comme la promotion de la santé ou la prévention. Ces évolutions ne sont pas encore actées par voie réglementaire, même si le budget de la Sécu 2022 avait prévu d'expérimenter la primo-prescription par les IPA pendant trois ans dans trois régions, dans le cadre de la prise en charge des pathologies chroniques stabilisées. Quant à l'accès direct, « le dossier est sur le bureau du ministre car il rencontre une certaine résistance », a euphémisé Brigitte Feuillebois, conseillère-experte pour les professions non médicales au ministère de la Santé.
Le Dr Jacques Battistoni, ex-président de MG France, n'est pas opposé à la montée en puissance des pratiques avancées mais se montre prudent. « Quand vous dites primo-prescription et accès direct, le généraliste entend concurrence. Il faut faire très attention, on doit continuer à discuter ». D’autres représentants des médecins libéraux, comme la CSMF, mettent l’accent sur la coordination de l’équipe de soins et « le rôle de chef d’orchestre assuré par le médecin traitant ». « La compétence est additionnelle et non concurrentielle », insiste le Dr Franck Devulder, patron de la Confédération.
30 000 euros par an…
L’autre impératif est de trouver un modèle économique viable, notamment pour les IPA qui exercent en libéral. « Les premières IPA qui se sont lancées en 100 % libéral percevaient 30 000 euros d'honoraires annuels », évalue le Dr Mickaël Benzaqui, responsable du département des actes médicaux à la Cnam. Bien consciente de ce blocage, l'Assurance-maladie a mis en place une « revalorisation de plus de 20 % des forfaits de prise en charge existants pour les patients confiés par le médecin au titre d’un suivi régulier », à la faveur du dernier avenant à la convention des infirmières libérales.
Ce forfait d’initiation de suivi – lorsque le patient est confié pour la première fois par le médecin à l’IPA – est fixé à 60 euros, auxquels s’ajoutent 50 euros par trimestre de suivi (contre 32,70 euros auparavant). Autre nouveauté : les IPA peuvent prendre en charge, « ponctuellement et à la demande du médecin » un patient qu’elles ne connaissaient pas. Limité à une fois par an et par patient et rémunéré 30 euros, ce « bilan ponctuel » pourra comprendre « un examen clinique, la réalisation d’actes techniques le cas échéant, des mesures d’éducation thérapeutique, et si besoin la réalisation de prescriptions », précise l’avenant. « On souhaite que la rémunération cible d'une IPA en ville soit à mi-chemin entre celle d'une IDE libérale et celle d'un médecin généraliste », résume le Dr Benzaqui. Mais pour Emmanuel Hardy, vice-président de l’Unipa, « l’avenant 9 a permis de sauver les meubles et non de pérenniser la profession, il faut mener une réflexion sur notre expertise clinique ».
Soucieux de regagner du temps médical – un des objectifs affichés de la future convention – le gouvernement ne fait pas mystère de sa volonté de développer les pratiques avancées. À quel rythme ?
* Cinq filières sont concernées à ce jour : pathologies chroniques stabilisées et polypathologies courantes en soins primaires ; oncologie et hémato-oncologie ; maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale ; psychiatrie et santé mentale ; et urgences.
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