COMMENT éviter de céder à la panique collective dans le cadre d’une vaccination de masse quand un événement grave est rapporté après l’injection ? En étant le plus rationnel possible, en respectant les méthodes de pharmacovigilance et en ayant les données les plus précises possibles, répondent des médecins de santé publique dans le «Lancet». La prévalence d’une maladie dépend de nombreux facteurs tels que l’âge, le sexe, la méthode d’évaluation et la géographie. Comme le rappelle l’équipe du Pr Steven Black (Cincinnati), pour déterminer l’imputabilité d’un médicament, il est essentiel de disposer de données épidémiologiques précises à l’état de base sur l’événement grave rapporté. Autrement, le risque est pris de se tromper, comme ce fut plusieurs fois le cas par le passé. Par exemple, il y a quelques années, le vaccin Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR) a été accusé d’être responsable de cas d’autisme au Royaume-Uni. Une fois démenties, ces convictions peuvent rester si vivaces, qu’elles entraînent des conséquences délétères en santé publique. Dans le cas du ROR Outre-manche, comme le programme vaccinal a été plus difficile à appliquer, les médecins ont constaté une recrudescence de la mortalité et de la morbidité des cas de rougeole.
Disculper l’accusé.
Il est important d’apporter des réponses justes sans perdre de temps. Dans le cadre d’une campagne de vaccination de masse, comme c’est le cas pour la pandémie A(H1N1)v, les populations sont très réceptives à la moindre suspicion de risque lié à l’injection, ce d’autant qu’il existe des réticences préalables. Les épidémiologistes ont ainsi relevé trois situations « bruyantes » pouvant être associés de façon temporelle à la vaccination grippale : le syndrome du Guillain-Barré, les fausses couches et le décès.
Par exemple, dans le contexte actuel de pandémie A(H1N1)v, une attention particulière est accordée au syndrome de Guillain-Barré suite à l’augmentation rapportée lors d’une campagne vaccinale dans des contingents de l’armée américaine en 1976-1977. En prenant l’incidence « naturelle » de la polyneuropathie, dans une population de 100 millions d’individus, on peut s’attendre à 200 nouveaux cas, voire un peu plus, sur une période de 6 semaines, 200 cas survenus « par simple coïncidence », selon les auteurs.
Des registres épidémiologiques complets.
Les rigoureuses études d’imputabilité ont ainsi parfois bien du mal à disculper « l’accusé », pourtant blanchi aux yeux de l’opinion. Pour les médicaments, le présupposé du lien de causalité remplace la présomption d’innocence. Les auteurs rappellent ainsi plusieurs autres exemples. Parmi eux, la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière en 2006 a été interrompue en Israël suite au décès de 4 sujets à risque cardio-vasculaire élevé dans les 24 heures de l’immunisation. Des analyses postérieures ont montré que dans cette frange de la population, la mortalité est de 1 pour 1 000 par semaine, ce qui peut donner jusqu’à 20 décès dus au hasard et survenus à ce moment par coïncidence.
De plus, les épidémiologistes montrent que les données varient selon l’origine géographique, en ayant analysé les registres de différents pays. Ainsi, il est apparu que le syndrome du Guillain-Barré est plus fréquent en Finlande qu’au Brésil. L’âge joue un rôle également, les sujets âgés sont plus à risque. Le sexe est un facteur important à considérer. Selon certaines régions en Finlande, il était près de deux fois plus important chez les hommes que les femmes.
Comme le souligne l’équipe du Pr Black, pour bien interpréter les données de pharmacovigilance, il faut de bonnes données épidémiologiques, exhaustives, précises et détaillées, à l’image des registres tenus dans les pays nordiques, en particulier au Danemark, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
The Lancet, édition en ligne.
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