« LA GRIPPE nosocomiale est une réalité à prendre en compte, rappelle le Pr Didier Raoult, chef du service des maladies infectieuses de La Timone (Marseille), avec plus de 20 % des cas liés à une transmission hospitalière. Dans ce contexte, la proposition du LIEN, de rendre obligatoire le port du masque à tous les personnels de santé qui ont refusé de se faire vacciner contre la grippe A(H1N1)v, est une vraie bonne idée. Elle obligerait les soignants à assumer leurs responsabilités, qu’ils le veuillent ou non. »
Dans cet esprit, le PU-PH marseillais a proposé la semaine dernière à son administration de faire signer un document aux réfractaires à la vaccination : « Ils reconnaîtraient dans ce document que la proposition du vaccin leur ayant été faite, ils ont décidé librement de ne pas y donner suite, et ils s’engageraient par conséquent à supporter personnellement les conséquences d’une transmission éventuelle dont ils seraient les agents. »
Ailleurs, dans un grand hôpital francilien, un chef de service a suggéré de faire porter par les personnels vaccinés un badge avec la mention : « Je me suis fait vacciner contre la grippe. » L’idée, jugée discriminatoire et stigmatisante, n’a finalement pas été retenue.
Mais « en appeler à la responsabilisation des non-vaccinés n’est certainement pas une mauvaise idée, même s’ils se sentent montrés du doigt, estime le Pr François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses de La Pitié-Salpétrière (Paris). À cet égard, la proposition du LIEN ne me choque pas. Cette mesure pourrait même être une excellente disposition, à condition qu’elle ne comporte pas un arrière-plan judiciaire, avec des procédures qui seraient engagées par la suite contre des praticiens ou des établissements. » Le PU-PH souligne que les personnels n’ont pas attendu la proposition de cette association pour recourir au port du masque dès qu’ils présentent les premiers symptômes grippaux. Et il met en garde contre des mesures qui seraient perçues comme autoritaires et introduiraient un système de gendarme dans le fonctionnement d’un service. Un système, selon lui, qui serait dans la pratique difficilement applicable quel que soit l’intérêt qu’il présente en effet, sur le plan théorique.
7 % des infirmières vaccinées à La Pitié
C’est justement le côté contraignant de cette proposition qui déplaît au Pr Bernard Régnier, chef du service de réanimation infectieuse de l’hôpital Bichat (Paris). « Mieux vaudrait, estime-t-il, analyser les déterminants qui conduisent une forte proportion d’infirmières et d’aides-soignantes à refuser le vaccin pour tenter de les convaincre avec des arguments rationnels, plutôt que d’exercer une pression réglementaire. Je serai d’autant plus réticent contre l’obligation du port du masque pour les non-vaccinés que la première mesure de précaution consiste, en cas de suspicion, à ne pas se rendre à son travail et à rester chez soi. De ce point de vue, le port du masque serait tout à la fois inutile et stigmatisant. Après tout, les personnels qui travaillent ne sont pas malades et masquer des non-malades ne présente aucun intérêt prophylactique. »
De fait, le Pr Raoult signale que la littérature a montré que le masque chirurgical avait des effets protecteurs bien plus pour la personne qui le porte que pour son entourage. Les trois chefs de service s’accordent cependant pour déplorer l’irresponsabilité professionnelle des soignants qui refusent de se faire vacciner. En l’absence de chiffres officiels, le Pr Bricaire juge « lamentable » que dans un grand hôpital comme la Pitié, seulement 7 % des infirmières aient choisi de se faire vacciner.
Justement, remarque Alain-Michel Ceretti, chargé du pole Médecine et sécurité auprès du Médiateur de la République, « la demande du LIEN, c’est en quelque sorte la réponse du berger à la bergère. Puisque beaucoup de soignants ne veulent pas se faire vacciner, qu’ils soient contraints au port du masque. Le confort des soignants importe moins que la sécurité des patients. Quand j’entends des récriminations sur la pénibilité de travailler avec un masque, cela me rappelle les protestations émises il y a dix ans par certains soignants contre les règles du lavage des mains en milieu hospitalier. »
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