Les ministères de la Santé, de la Transition écologique et Solidaire et de l'Économie et des Finances ont annoncé des mesures visant à limiter l'exposition aux émissions de certains téléphones portables.
La France va notamment demander à la Commission européenne de renforcer les exigences applicables aux nouveaux téléphones portables mis sur le marché. Le gouvernement demandera que les tests d'homologation soient réalisés au contact de l'appareil et non à 5 mm comme c'est le cas actuellement.
Cette série de mesures fait suite à l'avis émis le 21 octobre dernier par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Celle-ci y constatait la non-conformité d'un nombre important de téléphones portables en circulation vis-à-vis des nouvelles directives européennes dites « RED » (transposées dans le droit français en 2016).
Mesure à 5 mm de distance du tronc
En France, la valeur limite réglementaire du débit d'absorption spécifique (DAS) est établie à 2 W/kg. Cette valeur n'a pas été modifiée par les normes réglementaires de 2016. En revanche, les fabricants sont désormais tenus d’évaluer l’exposition dans des conditions réalistes d’utilisation, à savoir lorsque le téléphone est placé très près du corps, à 5 mm de distance maximum, contre des valeurs auparavant choisies par eux entre 0 et 25 mm.
Selon l'ANSES, des tests sur près de 300 téléphones positionnés à proximité du tronc, au contact et à 5 mm de distance, ont été réalisés entre 2012 et 2016. Les résultats ont révélé qu’une grande proportion des téléphones testés présentait des valeurs de DAS supérieures à 2 W/kg, certaines dépassant 7 W/kg au contact. L'agence préconise notamment la diffusion de mises à jour logicielles destinées aux téléphones portables et visant à en corriger le niveau d'émission.
Concernant la dangerosité de ce niveau d'exposition, l'ANSES note que « la littérature porte exclusivement sur des études expérimentales réalisées chez l’animal ou sur cultures cellulaires [...] Les résultats de l’expertise mettent en évidence, avec des éléments de preuve limités, des effets biologiques sur l’activité cérébrale liée à des expositions supérieures à 2 W/kg, mais ne permettent pas de conclure à l’existence ou non d’effets sur d’autres fonctions biologiques spécifiquement associées à de telles expositions au niveau du tronc ».
Les associations circonspectes
Membre du comité de dialogue de l'ANSES, le Dr Marc Arazi, président de l'association Alerte Phonegate, milite depuis longtemps pour de meilleures réglementation et communication autour de la téléphonie mobile. S'il voit dans la prise de position du gouvernement une « victoire », il pointe du doigt le manque de concertation autour de l'avis de l'ANSES : « Achevé en avril et publié seulement en octobre, cet avis a été mis en ligne sans consultation du comité de dialogue, reproche-t-il. Si tel avait été le cas, nous n'aurions pas laissé passer plusieurs choses, comme le fait que l'agence trouve "compréhensible" qu’aucune étude n’ait été réalisée chez l’humain, puisque la valeur limite d’exposition réglementaire, pour le DAS tronc, est précisément fixée à 2 W/kg. Nous pensons au contraire qu'il est absolument nécessaire de procéder à de telles études. »
Concernant les mesures gouvernementales, le Dr Marc Arazi regrette que la question de l'exposition aux ondes de téléphonie mobile au niveau du tronc ne soit pas abordée dans les six bons comportements défendus par le gouvernement. Il appelle les médecins « à prendre le projet à bras-le-corps, qu'il s'agisse de leur propre niveau d'exposition ou de la sensibilisation qu'ils peuvent faire auprès de leurs patients ».
L'association Alerte Phonegate tente également depuis plusieurs années d'obtenir d'avantage de transparence concernant l'accès aux rapports de tests des téléphones portables réalisés par l'ANFR. En 2016, le Dr Arazi avait obtenu la publication des résultats des tests de l'ANFR. Ces données avaient révélé de nombreux dépassements des normes. L'association a depuis déposé une requête devant le tribunal administratif de Melun, afin d'obtenir la publication des données complètes des tests. Le tribunal a rejeté la demande en décembre 2018, cette décision a été confirmée par le conseil d'État le 30 septembre dernier.
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