Politique du médicament

L'homéopathie déremboursée, la bataille continue

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Publié le 19/12/2019
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Jugée inefficace par la Haute autorité de santé (HAS), l'homéopathie subira un déremboursement complet d'ici à 2021. La décision du gouvernement n'éteint  ni la polémique ni les recours.
Une controverse sans fin sur l'efficacité des granules

Une controverse sans fin sur l'efficacité des granules
Crédit photo : PHANIE

Annus horribilis pour l'homéopathie !

Si 2018 avait été marquée par la vive controverse sur l'homéopathie dans la foulée de la tribune de 124 médecins signataires contre les « fake médecines », 2019 aura été l'année des décisions avec l'arbitrage de l'exécutif en faveur du déremboursement total. 

Le feuilleton a connu plusieurs rebondissements. En début d'année, Agnès Buzyn charge la Haute autorité de santé (HAS) d'évaluer le bien-fondé du remboursement de ces produits. Dès mars, les Académies de médecine et de pharmacie réclament la fin de l'enseignement de l'homéopathie. Une décision déjà prise par la fac de médecine de Lille qui a suspendu le diplôme universitaire (DU) d'homéopathie pour cette rentrée universitaire dans l’attente de la position de la HAS.

Face à cette offensive, le camp des pro-granules s'organise. Défendant le recours à des thérapeutiques complémentaires ou alternatives, le collectif « Safemed » – composé de médecins, pharmaciens mais aussi associations d'usagers et laboratoires concernés (Boiron, Lehning et Weleda) – publie un livre blanc visant à « pérenniser l'accès à l'homéopathie pour tous les patients dans le cadre d'une prise en charge de qualité ».

Il lance parallèlement une opération de communication « Monhomeomonchoix.fr », largement relayée sur les réseaux sociaux afin de mobiliser les patients en faveur du maintien du remboursement de l'homéopathie. Sur le front judiciaire, le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) et d'autres organisations déposent une cinquantaine de plaintes ordinales contre les praticiens signataires de la tribune « pour non-confraternité et non-respect du code de déontologie ». 

Absence d'efficacité avérée

Mais le couperet tombe fin juin. « Au terme de la première évaluation scientifique française de ces médicaments, la commission de la transparence rend un avis défavorable à leur prise en charge par l'assurance-maladie », précise la HAS. Dans son avis, elle prône le déremboursement pour l'ensemble des produits homéopathiques en raison d'une « absence d'efficacité avérée ». Cet avis défavorable n'est pas une interdiction de prescription ou de consommation de l'homéopathie.

La décision de la HAS est aussitôt suivie par Agnès Buzyn qui annonce le 9 juillet le déremboursement progressif mais total de l'homéopathie. Dès le 1er janvier 2020, l'homéopathie sera déremboursée de 30 % à 15 %, puis ce taux tombera à zéro en 2021. Cette période de transition doit permettre de « laisser aussi le temps aux industriels de s'organiser ».  Fin août, puis en novembre, plusieurs textes réglementaires organisent l'arrêt progressif du remboursement de ces médicaments. 

Recours complet

La méthode d'évaluation de la HAS est toujours contestée par les avocats de l'homéopathie. Ils mettent en avant sa « spécificité » (absence d'indications thérapeutiques résultant de leur statut réglementaire, caractère individualisé du traitement) qui, selon eux, ne permet pas d'évaluer l'homéopathie comme des médicaments conventionnels.   

Après une première requête sommaire en octobre, les laboratoires français Boiron et Lehning ne s'avouent pas vaincus. Lundi 9 décembre, ils annoncent avoir déposé devant le Conseil d’État un « recours complet » contre la décision du gouvernement de mettre fin à la prise en charge par l’assurance-maladie des médicaments homéopathiques. Le feuilleton continue... 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin