Comme en 2020, le ministère de la Santé vient de remettre au Parlement son rapport sur « l'article 51 » , un dispositif introduit dans le budget de la Sécu de 2018 et qui permet des expérimentations d'organisations et de financements dérogatoires au droit commun.
Ainsi, depuis l'an dernier, 157 nouveaux projets ont été déposés et 32 nouveaux projets ont été autorisés. Au total, depuis 2018, le ministère dénombre 967 projets déposés, 570 jugés recevables et 103 autorisés. Le nombre de projets déposés en 2020-2021 correspond à une diminution de moitié par rapport à la période 2019-2020, où 293 projets avaient été déposés. Un ralentissement « probablement en lien avec la période de crise », indique le ministère dans son rapport. Toutefois l’engouement des acteurs persiste.« Malgré la crise, la dynamique n’est pas démentie », assure Natacha Lemaire, rapporteure générale du conseil stratégique de l'innovation en santé, contactée par le « Quotidien ».
Parmi les 32 projets nouvellement autorisés cette année, les thématiques sont plurielles : lutte contre la dénutrition, prise en charge des addictions, santé bucco-dentaire, lutte contre l’obésité, santé mentale, situations liées au vieillissement et lutte contre le cancer. Le rapport cite, par exemple, le projet Thérapies Orales/Oncolink, à l’initiative d’acteurs de terrain pour améliorer le suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux et qui cible 15 855 patients pour un budget de 28,6 millions d'euros, le plus élevé de l'ensemble des expérimentations. Autorisé en décembre 2020, il rassemble 34 établissements de santé, plus de 10 000 pharmacies et 10 000 médecins traitants.
Sur la totalité des projets autorisés depuis le déploiement de l'article 51, ce sont les établissements de santé, les groupements d'acteurs (URPS, syndicats, fédérations) et le ministère de la Santé ou la CNAM qui sont les plus prolifiques (79 projets sur 103). Les acteurs de ville sont à l'origine de neuf expérimentations et les industriels de six. Le montant médian enregistré est de 1,6 million d'euros, pour environ 2 000 patients cibles – en tout, plus de 100 000 patients ont déjà bénéficié d'une prise en charge via l'article 51. La durée d'expérimentation médiane se situe à un peu plus de trois ans.
La révolution du financement
80 % des projets autorisés portent tout ou partie sur l'ambulatoire et un quart sur une collaboration ville-hôpital. Le dispositif de soins partagés en psychiatrie (DSPP), qui permet à des généralistes de faire évaluer des troubles mentaux légers à graves par une équipe hospitalière, ou le parcours de soins dénutrition Bretagne, qui promeut un forfait partagé de prise en charge de la dénutrition sur plusieurs mois, sont des exemples de cette coordination entre hospitaliers et libéraux. Au niveau des territoires, la dynamique est variable : les régions ayant porté le plus de projets (autorisés) sont l'Île-de-France, l'Occitanie, le Grand Est et les Hauts-de-France, tandis que les Outre-mer et la Normandie sont plus en retrait.
Les dérogations financières concernent surtout le partage d’honoraires ou la possibilité de redistribution d’un intéressement collectif aux membres d’un groupement de coopération sanitaire. Trois expérimentations, portées par le ministère, concernent particulièrement les partages de rémunérations : le paiement en équipe des professionnels de santé de ville via une rémunération forfaitaire (PEPS), l'incitation à une prise en charge partagée (IPEP) et le paiement à l'épisode de soins pour la colectomie, la prothèse totale de hanche et la prothèse totale de genou. En 2021, 14 structures ont « franchi le cap et sont passées du paiement à l’acte au paiement prospectif en équipe », précise le rapport. Le paiement à l'épisode de soins, doit, lui, rentrer dans la deuxième phase de l’expérimentation cet automne avec la mise en œuvre du modèle de financement.
Projets chahutés par le Covid
Enfin, sur la totalité des projets autorisés, le rapport fait état d'un délai de démarrage moyen de huit mois. 16 projets ont cependant été autorisés depuis plus de neuf mois et n'ont toujours pas démarré. En cause, des ambitions « trop optimistes », des problèmes de coordination ou de pilotage, mais aussi des processus jugés trop longs et complexes par les acteurs de terrain. La crise sanitaire a par ailleurs rendu de nombreux porteurs de projets indisponibles. « Le rythme de dépôt de projets est ralenti, le démarrage de certaines expérimentations n’a pu se faire dans le calendrier prévu initialement et les montées en charge ont pu être perturbées », confirme Natacha Lemaire.
Le Covid a eu un effet direct sur 53 projets, « soit la moitié des projets autorisés », souligne le ministère, mais aussi plusieurs effets positifs. « Malgré cela, la motivation et l’engagement des acteurs sont toujours très présents, poursuit la rapporteure générale Natacha Lemaire. Le contexte sanitaire accroît d’autant l’intérêt pour les prises en charges à domicile ou à distance, qui sont très présentes parmi les expérimentations autorisées ». Des expérimentations en lien direct avec le Covid ont également émergé, comme les microstructures post-Covid, qui permettent une prise en charge pluri-professionnelle (médecin généraliste, psychologue, travailleur social) de patients fragilisés somatiquement, socialement et psychiquement.
Enjeu de la généralisation
Derrière ce bilan détaillé se pose la question de l'avenir du dispositif, lancé depuis trois ans. Sept expérimentations ont une échéance à fin 2021, par exemple la prise en charge du diabète gestationnel par télésurveillance, sept doivent se terminer en 2022 et 27 en 2023. Dans ses rapports précédents, le ministère évoquait la nécessité d'optimiser l'évaluation des projets « pour faire face à l'augmentation de la charge de travail » et de se pencher sur la généralisation de certains d'entre eux. « Cela reste notre enjeu pour demain : réussir à transformer mais aussi à accepter que certains attendus ne soient pas au rendez-vous », indique le ministère de la Santé. Deux expériences, la « Mission retrouve ton cap » pour prévenir l'obésité infantile et « Écout’Émoi » pour prendre en charge la souffrance psychique des jeunes de 11 à 21 ans, doivent d'ores et déjà être généralisées dans le PLFSS 2022. D'autres s'articulent avec la feuille de route santé mentale et psychiatrie, présentée en 2018.
Plus globalement, la création d'une agence de l’innovation en santé, annoncée cet été par Emmanuel Macron, va s’accompagner « d’une réflexion stratégique dans laquelle le dispositif article 51, devenu la référence sur les innovations organisationnelles, doit être intégré », indique le ministère. « Par son ancrage dans le paysage, sa reconnaissance par les acteurs et son développement croissant et rapide, le dispositif atteint une taille critique et se doit d’être réinterrogé pour continuer à répondre aux ambitions qu’il porte », conclut le rapport.
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