Le gouvernement a rendu ses arbitrages sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. L'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) sera limité à 2,3 %, ce qui commande plus de quatre milliards d'euros d'économies sur la santé l'an prochain. Médecins, hôpitaux, EHPAD, laboratoires, dispositifs médicaux : florilège des mesures qui attendent le secteur.
Sécu : un trou de 5 milliards, creusé par les promesses post « gilets jaunes »
Le déficit combiné du régime général (toutes branches) et du FSV s’établirait à 5,1 milliards d'euros en 2020, après mesures correctrices du PLFSS. Cette dégradation des comptes sociaux s'explique par la diminution des recettes, des prestations vieillesse plus dynamiques et surtout les engagements d'urgence pris dans la foulée de la crise des gilets jaunes que l'État a décidé de ne pas compenser pas à la Sécu (CSG réduite pour certains retraités, exonération de cotisations sur les heures supplémentaires). L'exécutif renvoie désormais le retour à l'équilibre des comptes sociaux (initialement attendu cette année) à... 2023. Au sein du régime général, la branche maladie accuse à elle seule un passif de trois milliards d'euros.
ONDAM : +2,3 % soit 4,2 milliards d'économies
Cette configuration budgétaire plus dégradée que prévu oblige l'exécutif à conduire le chantier de transformation du système de santé dans un contexte relativement contraint.
Ainsi, l'objectif national de dépenses maladie (ONDAM général) a été fixé par le gouvernement à +2,3 % pour 2020 (contre +2,5 % en 2019), à hauteur de 205,3 milliards d'euros. Certes, ce sont 4,6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires assumées par la collectivité mais ce taux exige néanmoins des économies massives de plus de 4 milliards d'euros pour le secteur, compte tenu de la tendance spontanée des dépenses maladie (+4,4 % en tendance annuelle).
À l’intérieur de l'ONDAM général, l'exécutif réserve une progression de +2,4 % pour les soins de ville, +2,1 % pour les établissements de santé mais +2,8 % pour le secteur médico-social.
Sur ces bases, voici les économies de 4,2 milliards d'euros, poste par poste, qui attendent le secteur, selon le PLFSS 2020.
Parmi les principaux postes d'économies, on notera un effort de 1,3 milliard sur les tarifs des produits de santé (dont 920 millions sur les prix des médicaments), près de 600 millions d'euros au titre de la maîtrise médicalisée ou encore 205 millions sur la biologie (libérale principalement mais aussi hospitalière), 145 millions sur les IJ et 120 millions sur les transports ! Les alternatives à l'hospitalisation (chirurgie ambulatoire, etc.) doivent procurer 215 millions d'euros.
Certains risques mieux protégés
En dépit de cette contrainte, des signaux sont adressés aux assurés avec la création de nouveaux droits (indemnisation du congé de proche aidant d'ici octobre 2020 – 43 à 52 euros par jour –, nouveau fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides ou encore service public de versement des pensions alimentaires pour lutter contre les impayés).
500 millions dès 2020 pour le grand âge et l'autonomie
Ce budget de la Sécu investit plus de 500 millions d'euros sur le chantier du grand âge/autonomie, en anticipation de la loi ad hoc prévue pour la fin de l'année. Ainsi, l’ensemble des EHPAD atteindront leur tarif cible en 2021 et bénéficieront à ce titre de 210 millions d'euros dès 2020. Ce soutien doit permettre le recrutement d'aides-soignantes et d'infirmiers en EHPAD (5 200 emplois pour le soin l'an prochain). Une enveloppe de 15 millions sera reconduite en 2020 pour le recrutement de personnel infirmier la nuit dans les EHPAD. 130 millions seront consacrés à l’investissement.
Autre décision : le versement de la prime d’assistant de soins en gérontologie (ASG) sera généralisé aux aides-soignants des EHPAD ayant suivi une formation spécifique. Enfin, 50 millions d'euros sont alloués pour soutenir le secteur de l'aide à domicile. Le déploiement d'équipes mobiles gériatriques à domicile ou en EHPAD est prévu.
Rémunérations : davantage de forfaits et un suivi post-cancer
Dans la lignée du rapport de Jean-Marc Aubert sur la réforme du financement, le gouvernement poursuit sur la voie des paiements combinés : financement à la qualité pour les établissements (montée en puissance jusqu'en 2022) ; lancement « très prochainement » des premiers paiements au suivi pour les patients chroniques (diabète et maladie rénale chronique), expérimentations au titre de l'article 51 (innovations).
Pour les urgences, quelque 200 millions d'euros au titre du pacte de refondation des urgences ont été programmés pour 2020.
Déjà annoncé par Agnès Buzyn, le budget de la Sécu instaure un forfait de soins post-chirurgie du cancer remboursé par la Sécu (10 millions d'euros pour 2020). Ce panier de « soins de support » devrait inclure un suivi psychologique, diététique et de l'activité physique adaptée.
Hôpitaux de proximité : garantie de financement et dotation territoriale
Dans la même logique forfaitaire, les nouveaux hôpitaux de proximité bénéficieront de modalités de financement dérogatoires à la tarification à l’activité (T2A) afin de favoriser le lien ville/hôpital et la coordination (à hauteur de 100 millions d'euros). Le mécanisme consiste à sécuriser, par une garantie pluriannuelle de financement, l’activité de médecine (socle). Le niveau de cette garantie sera déterminé en fonction de l’activité antérieure de l’établissement. De surcroît, les établissements bénéficieront d’une « dotation de responsabilité territoriale », permettant l’accès à des consultations de spécialités, des plateaux techniques et des équipements de télésanté. Cette dotation doit permettra aux hôpitaux de proximité d’indemniser les médecins libéraux qui y exercent pour des temps « non cliniques », afin de favoriser l’exercice mixte.
Psychiatrie, SSR : nouveaux modèles de financement
La psychiatrie se voit proposer un nouveau schéma de financement unifié (détaillé ici), reposant notamment sur une dotation populationnelle, à compter de 2021 après une année de transition. La réforme des activités de soins de suite et de réadaptation (SSR) s'inscrit dans la même logique.
Nomenclature CCAM : grand ménage en ville ?
Le projet de loi engage la mise à jour de la nomenclature des actes médicaux (CCAM) et paramédicaux d'ici à 2022. La volonté est de « ne pas favoriser des techniques ou des modes de prise en charge obsolètes ou moins efficaces ». Il s'agit d'améliorer le caractère descriptif des actes, notamment afin d’intégrer plus rapidement l’innovation.
Engagement maternité : vers un bouquet de services
Autre concrétisation, l'« engagement maternité » promis par Agnès Buzyn pour les femmes enceintes qui habitent à plus de 45 minutes d'une maternité. L'objectif est de prendre en charge un forfait « transport et hébergement » pour offrir un accompagnement pré et post-natal sécurisé pour ces femmes éloignées des établissements (60 000 seraient concernées). La aussi, dix millions d'euros sont programmés l'an prochain.
Une consultation complexe pour la protection de l'enfance
Autre nouveauté : à l’entrée dans le dispositif d'aide sociale à l’enfance (ASE), le PLFSS remplace l’évaluation médicale et psychologique par un bilan de santé obligatoire pris en charge par l’assurance-maladie (création d’une consultation complexe). Ce bilan doit engager un suivi médical régulier dans le cadre d’un parcours de soins somatiques et psychiques coordonné. Jusqu'à 100 000 enfants pourraient en bénéficier chaque année.
Limiter les arrêts longs
Ce PLFSS comporte un volet prévention de la désinsertion professionnelle. L'objectif est de limiter les arrêts de travail trop longs, d'une part en renforçant le recours au temps partiel thérapeutique en cas d'accident du travail ou maladie professionnelle (AT-MP), et d'autre part en créant une expérimentation de plateforme départementale pluridisciplinaire visant à faire coopérer le plus tôt possible les différentes catégories de praticiens concernés (médecins du travail, conseils et traitants et services de l'emploi).
Déserts médicaux : vers un contrat unique de début d'exercice
Plusieurs mesures visent à faciliter l'installation de professionnels en zone sous-dense. Le projet de loi retient la refonte des quatre contrats incitatifs jeunes médecins existants (PTMG, PTMA, PTMR et PIAS) vers un nouveau contrat unique de début d'exercice (CDE) ouvert à tous les médecins s'installant en zone fragile (généralistes, spécialistes, remplaçants).
Autre mesure incitative : une exonération totale de cotisations sociales pendant deux ans pour les jeunes médecins libéraux (secteur I ou OPTAM) qui s'installent en zone sous-dense dans les trois années suivant l'obtention du diplôme.
Certificats sportifs des mineurs : cap sur la simplification
Le PLFSS simplifie le cadre légal des certificats médicaux de non-contre-indication à la pratique sportive pour les mineurs et pour les disciplines sportives sans contraintes particulières. Le gouvernement entend s'appuyer sur les 20 consultations obligatoires prévues jusqu’à l’âge de 18 ans. Dès lors, pour cette tranche d'âge, l’obligation de production d’un certificat médical pour l’obtention d’une licence sportive sera supprimée, et remplacée par une déclaration remplie par le représentant légal, permettant de s’assurer que les jeunes ont bien vu un médecin. Cette mesure de simplification, qui concerne plus de 6 millions de mineurs licenciés, permettra également de
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Dispositifs médicaux innovants : une clause de sauvegarde
La dépense au titre des dispositifs médicaux innovants et des prestations associées pris en charge "en sus" des prestations d’hospitalisation a progressé de plus de 4 % en moyenne entre 2012 et 2018. Pour réguler les coûts du ce secteur dynamique, le PLFSS élargit aux dispositifs médicaux et prestations de la liste en sus la clause de sauvegarde (qui existe pour les médicaments innovants). Ce dispositif n’a vocation à se déclencher qu’en dernier lieu, en cas de progression des dépenses remboursées supérieure à 3 %.
Par ailleurs, le gouvernement veut faciliter la réutilisation de DM qui sont encore en bon état de fonctionnement (notamment des fauteuils roulants). Le PLFSS prévoit la prise en charge de DM « reconditionnés », après utilisation par une première personne qui n’en a plus l’usage.
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