LE QUOTIDIEN : Avez-vous vu « La fille de Brest », film qui raconte le combat de la pneumologue Irène Frachon dans l’affaire Mediator ?
OLIVIER LAUREAU : Oui, ça me semblait normal, pour pouvoir le comparer à la réalité des faits. Comme le dit la réalisatrice, il s’agit d’une fiction basée sur le point de vue d’un seul personnage et tiré de son livre, et non d’un documentaire qui tenterait de retracer une réalité. Nous regrettons de ne pas avoir été consultés, car certaines informations ne sont pas exactes.
Par exemple ?
Il aurait été intéressant de donner une vue plus globale, et de préciser que Servier indemnise tous les patients dont les experts ont considéré que leur cas était imputable. Cela fait maintenant quatre ans que nous les indemnisons. D’autre part, le film fait référence à l’étude Regulate*, dont la lenteur nous est reprochée. Ce n’est pas exact. Mediator a été sur le marché de 1976 à 2009, mais le film ne retrace que les deux années qui ont précédé la publication du rapport de l’IGAS.
Dans la perspective du procès pénal, on vous reproche de faire de l’obstruction…
Nous voulons seulement qu’il y ait une appréciation équitable des faits. Une instruction doit être à charge et à décharge. L’ensemble des pièces doit faire l’objet d’investigations, ce qui n’est pas encore le cas.
Mais les victimes attendent ce procès depuis des années…
Certains patients trouvent légitimement le temps trop long. Avant même la création de l’ONIAM, nous avions proposé la création d’un fonds d’indemnisation, doté de 20 millions d’euros. Ce fonds a été refusé. On aurait peut-être gagné du temps si notre proposition, qui était tournée vers les patients, avait été mise en œuvre.
Nous respectons la souffrance des patients et nous les indemnisons. À ce jour, sur les 2 803 demandes jugées recevables par l’ONIAM, nous avons adressé 2 139 offres d’indemnisation. 1 417 ont été acceptées par le patient, 117 ont été refusées, et nous attendons encore 605 réponses. Le déficit fonctionnel moyen constaté est de 6 %, et l’indemnisation moyenne de 14 000 euros.
Par ailleurs, sur les 208 dossiers jugés recevables par les tribunaux, 72 font actuellement l’objet de négociations avec les patients, et 65 accords ont déjà été finalisés. Nous avons déjà payé près de 30 millions d’euros, et proposé 44,4 millions.
Combien de morts sont imputables, selon vous, au Mediator ?
Parmi les cas soumis à l’ONIAM, un peu plus d’une trentaine ont été considérés, en tout ou partie, comme imputables. Je regrette que certains se fondent sur des bases statistiques contestables, voire extrapolent des données alors que le sujet est complexe.
Fin 2015, vous avez présenté un plan de restructuration massif de votre visite médicale. Où en est sa mise en œuvre, alors qu’il avait été qualifié de « brutal » par certains syndicats ?
Nous avons été un des derniers laboratoires à prendre cette décision. Le métier de visiteur médical répondait de moins en moins aux attentes des professionnels de santé et au portefeuille Servier en France. En raison des baisses de prix successives, nous avons été contraints de nous adapter. Ce plan a été signé à l’unanimité des représentants sociaux, et n’a fait l’objet d’aucun commentaire de l’inspection du travail. Il porte sur 664 personnes. 430 font l’objet de licenciements (effectifs fin 2016), les autres seront reclassés ou feront l’objet d’un départ anticipé. Le coût total sera de 200 millions d’euros.
Servier a annoncé un recentrage de sa recherche notamment sur l’oncologie. Allez-vous délaisser vos autres aires thérapeutiques historiques ?
Non, nous souhaitons conserver notre position de leader dans les domaines du cardiovasculaire et du diabète, des maladies neurodégénératives et immuno-inflammatoires, mais également devenir un acteur de référence en oncologie.
Avez-vous beaucoup de produits en développement ?
Aujourd’hui, nous avons 12 projets en phase III en insuffisance cardiaque, diabète, dépression et cancer. En phase II, nous avons deux nouveaux produits, et 5 en phase IIB [qui détermine la dose thérapeutique de la molécule sur une plus grande échelle, jusqu’à 300 malades NDLR]. En phase I, nous avons dix projets, dont 7 en oncologie. Mais au regard du temps de développement, ces produits d’oncologie ne pourront être mis à la disposition des patients qu’à l’horizon 2024 ou 2025.
Vous investissez 200 millions d’euros sur le site de Saclay où seront réunies à terme toutes vos équipes de recherche. Dans quel but ?
Servier investit 25 % de son chiffre d’affaires princeps en R&D (environ 800 millions d’euros par an). Pour valoriser cet investissement largement supérieur à la moyenne en pourcentage, nous voulons participer à un écosystème extrêmement favorable. Saclay réunit des labos de recherche privée, publique et universitaire. L’INSERM, le CNRS, le CEA, les universités de pharmacie, l’École Polytechnique, toute la recherche scientifique est là. Ce site sera opérationnel dans 3 ans et demi. Cette décision s’inscrit dans la vision du groupe annoncée très récemment aux 21 200 collaborateurs, vision basée sur la vocation et les valeurs du groupe.
* Étude randomisée, en double aveugle, réalisée entre 2006 et 2009 et ayant porté sur 840 patients diabétiques de type 2. L'efficacité du Mediator a été mesurée par référence avec la pioglitazone. L’étude a confirmé l’efficacité du produit mais a mis en évidence un surrisque de valvulopathie ayant amené les autorités de santé à retirer le Mediator du marché fin 2009.
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