Dans le coin gauche de la chambre, accrochées à la baignoire, sur le sol, suspendues à la liane, ou sur le grand lit bien sûr : dans la chambre violette de la nouvelle maison de naissance de Nancy (Lorraine), les femmes accouchent où elles veulent depuis mai, en toute liberté et le plus naturellement possible. Toujours avec l'aide de deux sages-femmes libérales, jamais avec celle d'un médecin obstétricien.
Un « Nid pour naître » est l'une des neuf structures expérimentales où des sages-femmes sont autorisées pendant cinq ans à suivre les grossesses (non pathologiques) et les accouchements de parturientes en bonne santé.
La loi du 6 décembre 2013 impose aux maisons de naissance d'être « contiguë[s] à une structure autorisée pour l’activité de gynécologie-obstétrique ». À Nancy, la maison est située dans l'enceinte de la maternité régionale de niveau III du CHU, une grosse machine qui assure plus de 3 000 accouchements par an et affiche un taux de péridurale de 90 %. De philosophie très différente, les deux structures se font face, séparées d'une dizaine de mètres par une voie de passage.
Ni doulas, ni copines
Floriane Stauffer, 31 ans, est l'une des quatre sages-femmes libérales (qui ont par ailleurs leur cabinet de ville) de la maison à assurer les consultations prénatales, les séances de préparation à la naissance et à la parentalité, la surveillance du travail, l'accouchement et le suivi post-partum.
Militante et féministe, elle fait avec passion la promotion de l'accompagnement global à la naissance et de l'accouchement physiologique. L'image réductrice de son travail et la méconnaissance des compétences médicales des sages-femmes l'agacent : « Les gens croient qu'ici, on démédicalise mais en fait, on médicalise autrement, s'indigne-t-elle. On est ni des doulas [accompagnantes non médicales de la grossesse, NDLR] ni la copine d'à côté ! »
La maison de 140 m2 comprend deux grandes chambres avec vue sur le jardin, une cuisine équipée pour la collectivité et un vaste salon aux couleurs pastel. L'ambiance est au zen. Pas un « bip-bip » de machine pour troubler le calme ambiant. Le chariot d'urgence est dissimilé dans les toilettes. Cachée dans un coin du bureau de consultation partagée, la couveuse inhabitée s'est transformée en chauffe-serviettes. Les jouets d'enfants sont rangés, plusieurs photos des 31 bébés qui y ont vu le jour ornent les murs du vestibule. La structure est ouverte du lundi au vendredi pour les consultations et les ateliers et sept jours sur sept pour les naissances. « Un couple peut venir 30 minutes ou 24 heures avant la naissance, nous n'imposons rien, précise Marie Bichat, 30 ans. Ils repartent deux à douze heures après la délivrance. »
« Dépourvu de machines froides et angoissantes », le Nid a tout de suite plu à Agnès, 37 ans, mère pour la troisième fois depuis septembre. Pour elle, la relation privilégiée tissée au fil des mois avec « sa » sage-femme est un atout certain. « Je n'ai rien contre les médecins mais il était logique et naturel pour moi d'accoucher ainsi, sans péridurale », ajoute Émilie, 31 ans, qui a accouché en juin de son premier enfant. Savoir la maternité toute proche était pour elle « rassurant ».
Quatre transferts sécurisés
L'ouverture de la maison de naissance tient pour beaucoup à l'implication de l'Ordre départemental des sages-femmes et du Pr Olivier Morel, 40 ans, chef du pôle gynécologie-obstétrique du CHU de Nancy. L'idée était dans l'air depuis des années et le terreau favorable. Proche de la Belgique et de l'Allemagne, où les maisons de naissance sont légion, la Lorraine a une culture de l'accouchement particulière. Très prisées, les sages-femmes libérales ont la possibilité de suivre et d'accoucher leurs patientes en plateaux techniques hospitaliers dits ouverts (il en existe 30 sur 500 en France). Les accouchements à domicile, quoique marginaux, existent toujours.
Pour l'instant, seules quatre parturientes ont été transférées en cours de travail à la maternité, pour trois stagnations de la dilatation du col et une demande de péridurale. Tout s'est bien passé. « Ça nous arrive de gérer des dilatations complètes de femmes qui arrivent de chez elles, donc encore moins médicalisées qu'en maison de naissance, témoigne le Pr Morel. Des données médicales très solides confirment que ces structures sont sans danger pour les patientes. »
Le Nid a cinq ans pour prouver l'efficacité de son modèle. Cinq ans pendant lesquels la communauté médicale et obstétricale, parfois loin de partager l'opinion favorable du Pr Morel, restera attentive au moindre faux pas. Depuis le début de la réforme en effet, des gynécologues se montrent sceptiques et dénoncent un accroissement du risque vital tant pour les patientes que sur le plan de la responsabilité médicale. « Six mois après le début de l'expérimentation, nous ne soutenons toujours pas les maisons de naissance », confirme le Dr Bertrand de Rochambeau. « Pragmatique », le président du Syndicat national des obstétriciens (SYNGOF) attend la première évaluation du dispositif avec impatience, prévue dans deux ans.
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