LE QUOTIDIEN : L’accord-cadre, qui lie l’État à l’industrie pharmaceutique pour trois ans, a été signé lundi. Quelles en sont les principales innovations ?
PATRICK ERRARD : Ce nouvel accord-cadre a été revu de A à Z. Sa réécriture avec les pouvoirs publics a pris plus d’un an. Sans rentrer dans le détail d’un texte très technique, nous avons obtenu le maintien de la garantie de prix européen pour les innovations majeures. Le texte prévoit plusieurs mesures relatives à la prise en considération des investissements industriels, à l’accélération de certaines procédures, et à la facilitation du dialogue conventionnel. Cet accord garde l’esprit du précédent tout en introduisant de nouvelles mesures qui donnent de la modernité, de la lisibilité et de la visibilité à l’esprit conventionnel.
Depuis le 1er janvier, vous entamez un deuxième mandat de trois ans au LEEM. Avez-vous fixé des priorités d’action ?
Oui. La première se rapporte à l’innovation. La France doit se doter d’un cadre qui permette un accès rapide à l’innovation, de faciliter la recherche sur ces produits, et de réduire les délais administratifs.
Il y a aussi des modifications substantielles à apporter au système d’évaluation de l’innovation par la commission de la transparence. Il faut enfin continuer à réfléchir à la question de la valorisation de l’innovation de rupture.
En la matière, certains exemples récents ont frappé l’opinion publique…
Si l’on prend l’exemple des traitements contre l’hépatite C, le prix a été perçu comme trop élevé. Mais on oublie juste un détail, c’est que ce produit sauve des vies, et qu’il évite nombre de surcoûts et de nouvelles prises en charge sur le moyen et long terme, ce qui, par conséquent, le rend efficient.
Ces produits innovants ont un impact budgétaire significatif, et pour le rendre soutenable, il faut changer de logiciel, et arrêter de réguler à enveloppe fermée et sur un an. C’est ma deuxième priorité car le système actuel de régulation ne permet pas d’encaisser ces impacts budgétaires. L’accord-cadre contient à cet égard des dispositions sur les contrats prix/performance, qui permettent de stabiliser le prix négocié du médicament si les résultats dans la vraie vie sont conformes aux promesses.
Le LEEM ambitionne-t-il de faire des propositions en matière de réforme du système de soins ?
Oui. Il faut impérativement adapter notre système de santé à l’évolution de la médecine. Dès ce début d’année, je vais appeler à une grande concertation des acteurs de soins et des patients autour d’un programme de réforme du système de soins. Il faut provoquer un choc des consciences et ouvrir les yeux, il y a une réelle urgence à changer de logiciel, on n’a que trop perdu de temps.
Il y a des réformes à faire autour du parcours de soins afin de mettre le patient au centre du dispositif, mais aussi autour de l’intégration du progrès technologique au système de soins. Je pense à la télémédecine, au big data, et à la façon dont l’ensemble de ces progrès thérapeutiques, technologiques ou numériques peuvent avoir un impact positif sur les soins.
Il faut aussi repenser le maillage du système de soins, tant hospitalier que libéral, et se pencher sur la délégation de tâches. Il y a une réflexion à mener sur les réseaux. Comment les mettre en place et évaluer leur efficience, comment les rémunérer ?
Enfin, il faut mettre en place un plan quinquennal structurel de redressement des comptes sociaux, porté par les ministères et le Parlement.
Que ferez-vous de ces propositions une fois rédigées ?
Ce sont des chantiers auxquels devraient s’atteler tous les candidats à l’élection présidentielle, et il faudrait que ceux qui se présenteront en 2017 s’engagent sur cet ensemble de mesures.
Nous allons rédiger une sorte de manifeste à partir de toutes ces propositions, et le leur soumettre.
Comment lutter contre la médiocre image dont souffre l’industrie dans l’opinion ?
Nous souffrons effectivement d’un décalage entre ce que nous produisons, les médicaments, et l’estime qui est portée au secteur pharmaceutique. Nous allons travailler aux attentes de la société en matière d’éthique, de déontologie et de pratiques. C’est une autre de mes priorités. J’ai donc demandé au CODEEM, notre organisme de déontovigilance, d’analyser ce décalage, et de nous faire des recommandations pour corriger cela.
Trois thèmes ont été sélectionnés pour le prochain conseil stratégique des industries de santé : lisibilité et prédictibilité des politiques publiques, accès à l’innovation, et attractivité de la France. Où en est-on ?
Ces trois thèmes ressemblent furieusement aux priorités du LEEM ! On ne peut que s’en réjouir ! Les mesures issues du groupe de travail sont en cours de finalisation. Tout doit être revu avec le coordinateur du CSIS, Lionel Collet. Le CSIS devrait se tenir au tout début du printemps sous l’égide du Premier ministre.
Vous qui êtes aussi médecin, que pensez-vous de l’opposition frontale des libéraux à l’égard du tiers payant généralisé ?
Je la comprends dans la mesure où le tiers payant généralisé touche à un symbole très sensible qui est l’indépendance des médecins. Ils sont face à une problématique un peu identique à celle des industriels, qui est de dépasser nos seuls intérêts particuliers, pour faire des propositions servant l’intérêt général de notre système de soins.
Les médecins font, du reste, des propositions intéressantes. Ceci légitime encore plus la démarche d’une grande concertation autour des enjeux de santé que j’appelle de mes vœux.
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