Entretien

Pierre Bégué : « la vaccination demeure un des fondements de la médecine préventive »

Publié le 22/06/2015
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LE QUOTIDIEN : Est ce la première fois que l’on rencontre un tel climat de défiance vaccinale ?

Pr PIERRE BÉGUÉ : Ça a existé de tout temps. Nous sommes désormais dans des sociétés où les gens sont instruits et informés et pourtant, depuis environs un bon quart de siècle, on remarque des réticences qui ne font que croître. Actuellement il y a environs 2 % de refus vaccinal total, par contre il y a bien 20 % d’hésitants vaccinaux. Donc une famille sur cinq. Mais ce qu’il y a de particuliers dans le contexte actuel, c’est internet. Ca pèse très lourd, car les gens ne savent pas d’où viennent les informations. Deuxièmement, nous sommes dans une période de défiance mondiale vis-à-vis de la science. Quand vous dites que scientifiquement il n’a pas de signal ou pas de preuve, les gens remettent en doute le travail des scientifiques, car ils ne savent pas ce qu’est une donnée scientifique.

Mais on retrouve aussi des médecins qui hésitent – ça, c’est nouveau non ?

Non, on l’a vu par exemple quand on a lancé le vaccin ROR en 1987-1988, en particuliers au sud de la France, certains médecins n’en comprenaient pas l’utilité. Dans les années quatre-vingt-dix c’était l’hépatite B, certains médecins disaient que c’était stupide de vacciner les nourrissons. Et je ne vous parle pas du vaccin papillomavirus, là ça prend une autre ampleur ! Je crois que c’est surtout dû à un manque de formation et je me bats pour ça depuis vingt-cinq ans. Quand j’enseignais la pédiatrie et une partie des maladies infectieuses à l’hôpital Saint Antoine, on avait la chance d’avoir des chefs de service d’infectiologie qui faisaient très attention à donner 2 heures d’enseignement vaccin dans le cursus, mais ce n’était pas du tout obligatoire ! Donc d’une faculté à l’autre, ça varie. Il y a des facultés où il n’y a pas d’enseignement. Et même 2 heures, aujourd’hui, pour comprendre ce qu’on doit faire pour tous les vaccins, ce n’est quand même pas beaucoup.

Et dans le climat de défiance actuel, est ce que vous trouvez la réponse des autorités sanitaires à la hauteur ?

Je pense qu’on peut dire que les autorités de santé du plus haut niveau n’ont pas le langage de communication approprié pour l’ensemble de la politique vaccinale du pays. Les ministres doivent s’engager, sans hésiter. Un ministre qui ne soutient pas les experts qui travaillent sur le sujet, qui suggère qu’on a pu se tromper, c’est catastrophique pour la population. En France, Marisol Touraine est la première à avoir pris la défense de la vaccination, moi j’avais jamais vu ça en 20 ans. Il faut qu’il y ait une solidarité, que l’autorité soit en permanence derrière les experts quand il y a quand il y a beaucoup de contestation. C’est ce qui manque un peu.

Propos recueillis par Clémentine Wallace

Source : Le Quotidien du Médecin: 9422