La Garde des sceaux ne mérite ni l’excès d’indignité que lui valent ses prises de position ni l’indulgence. Lorsqu’elle a été attaquée de manière ignoble par l’extrême droite qui la comparait à une guenon, nous avons été nombreux à nous révolter devant tant de méchanceté et de bêtise. Elle ne se résume à ce que l’on voit et entend d’elle, ses prises de position qui viennent du plus lointain de l’aile gauche du PRG, son refus de s’expliquer sur les manquements éventuels qu’elle a pu commettre, son arrogance face à la droite honnie, qu’elle combat avec une violence verbale dérangeante, et ses idées enfin qui ne sont pas marquées au coin du pragmatisme. Mais elle est le pur produit de la République, avec sa rhétorique puissante quand elle est claire, sa maîtrise du langage et son art oratoire. Qu’elle défende les opprimés n’est que louable et elle n’a pas tort, même si cela tourne à l’obsession, de rappeler sans cesse ce que fut l’esclavage, qui justifie son combat anti-raciste.
Il faut donc lui rendre hommage avant de la critiquer. Mais, de même qu’elle fait de la liberté son étendard, elle ne saurait nous empêcher d’exprimer des idées contraires aux siennes. Elle occupe un ministère régalien, elle n’est pas pour autant l’alpha et l’oméga de la pensée de gauche. Elle doit être respectée en tant que femme, en tant que Guyanaise, en tant que noire, ce sont des traits spécifiques qui ne traduisent pas forcément des vertus inégalables ni une pensée nécessairement cohérente. Elle milita autrefois pour l’indépendance de la Guyane, il en reste un zeste de soulèvement permanent contre l’ordre établi. Elle est la pasionaria du monde embourgeoisé du socialisme de 2015. Son bilan au ministère de la Justice serait plutôt maigre si l’on en croit les magistrats eux-mêmes, et sa loi sur le mariage pour tous, que j’ai approuvée pour ma part, aurait pu être mise en œuvre avec moins de triomphalisme. Qu’elle ne s’étonne pas, en conséquence, de trouver une telle hostilité dans les milieux choqués par cette loi qu’elle leur a littéralement enfoncée dans la gorge.
Incompatibilité génétique avec Valls
Mais bon : une ministre du premier cercle, c’est entendu. En quoi est-elle indispensable au pouvoir ? Pourquoi François Hollande doit-il subir ses incartades ? Comment le président ne voit-il pas qu’il y a une incompatibilité génétique entre elle et Manuel Valls ? Le chef de l’État pense, à juste titre, qu’il vaut mieux avoir avec soi un personnage politique qui, libéré des contraintes gouvernementales, pourrait se transformer en ennemi. Il en a fait l’expérience avec Arnaud Montebourg qui, en plein congrès du PS, s’est rappelé à son bon souvenir en publiant dans « le Journal du dimanche » une tribune qui annonçait un cataclysme induit par la politique économique du président. Il a regretté le départ de Cécile Duflot, qu’il tente encore de ramener dans le giron gouvernemental. Hors du pouvoir, Christiane Taubira serait un censeur d’une terrible sévérité. Elle n’a pas, comme Mme Duflot, diabolisé Manuel Valls, mais si sa parole était libre, elle serait la plus déterminée de ses opposantes. Mmes Taubira et Duflot risquent surtout de se présenter à la présidence de la République, ce qui achèverait les espoirs de M. Hollande. C’est pourquoi la Garde des sceaux s’est livrée à cette provocation sur la semaine de 32 heures (recette pour une faillite nationale) et c’est pourquoi M. Hollande la laisse parler, en espérant que, de la sorte, elle soulagera sa conscience à bon compte.
Mais le président de la République croit-il vraiment qu’il peut aller de l’avant en conciliant des inconciliables, en mêlant des actes économiques de droite à des actions politiques de gauche, et, surtout, en faisant cohabiter au sein de sa majorité les pro-Valls et les anti-Valls, les nostalgiques du marxisme et les pragmatiques, les rêveurs romantiques et les plombiers qui serrent les écrous ? À force de tirer sur l’élastique, il casse.
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