24 AVRIL 2009 : le dispositif d’alerte et de surveillance est déclenché en France suite à la détection des premiers cas humains d’infection par un nouveau virus de la grippe au Mexique. Une semaine plus tard, le 1er mai, les premiers cas humains de grippe A(H1N1)v sont identifiés sur le territoire métropolitain chez des voyageurs de retour du Mexique. La France touchée par la première pandémie grippale du XXIe siècle, allait devoir faire face à un « épisode tout à fait inédit dans l’histoire de la santé publique moderne », explique le Dr Françoise Weber, directrice générale de l’Institut de veille sanitaire (InVS), dans l’éditorial du « BEH » (n° 24-25-26).
La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu. Tous les scénarios prépandémiques ont été mis en défaut. Le bilan présenté dans le « BEH » tente d’éclairer, à l’heure du retour d’expérience, le décalage entre les estimations réalisées a priori et les données réellement observées. « Pour comprendre ces écarts entre l’estimé et l’observé », souligne le Dr Weber, il est utile de rappeler les objectifs de ces estimations. « Il ne s’agit pas de prédire le déroulement d’une épidémie, mais bien d’envisager la préparation du système de soins à affronter la charge liée aux situations les plus plausibles. »
Les scénarios envisagés par l’InVS à la demande de la direction générale de la Santé ont tenté d’évaluer l’impact d’une pandémie grippale à partir de travaux publiés en 2003 sur les données disponibles « sur les trois seules pandémies documentées, à savoir celles de 1918, 1957 et 1968 », expliquent Isabelle Bonmarin et col. « Elles avaient toutes trois des taux d’attaque comparables, autour de 25 %, mais des létalités très différentes », soulignent-ils. Trois scénarios élaborés à partir des valeurs hautes, basses et moyennes ont estimé le taux d’attaque, le taux d’hospitalisation et la létalité. Ces premières estimations ont été révisées une première fois en août 2009, lorsque les premières données disponibles concernant le virus A(H1N1)2009 ont été publiées. « Les valeurs pessimistes des estimations de 2003 ont été le plus souvent abandonnées », relèvent les auteurs. Une nouvelle révision à la baisse a été réalisée en septembre 2009 sur la base de données plus récentes concernant l’hémisphère Sud.
En deçà des prévisions.
« Aujourd’hui, il apparaît que l’impact de l’épidémie est resté en deçà des projections réalisées, y compris celle de septembre 2009 », reconnaissent-ils. Le nombre de malades attendu était de 2 à 7 fois plus important que celui observé et les décès attendus (19 200 décès) plus de 60 fois supérieurs à ceux réellement recensés (312). Quant au taux d’hospitalisation, attendu entre 1 et 2 %, il s’est situé dans la fourchette basse (1 % selon le réseau Sentinelles) mais le nombre de patients admis en services de soins intensifs ou de réanimation est très supérieur à ce qui est habituellement observé lors des épidémies de grippes saisonnières. Un décalage existe aussi sur la distribution des âges, puisque 4 % des sujets hospitalisés étaient des seniors (plus de 65 ans) au lieu des 20 % attendus.
Tout comme les scénarios prépandémiques, le dispositif d’alerte et de surveillance tel que le prévoit le plan national de prévention et de lutte Pandémie grippale a repris le dispositif élaboré par l’OMS à la suite de l’émergence du virus grippal A(H5N1). Il repose essentiellement sur deux phases, l’une de « confinement », dont l’objectif est de retarder autant que possible l’installation d’une circulation du virus sur le territoire et l’autre de « limitation » au cours de laquelle des mesures de réduction de l’impact de l’épidémie. La première phase avec surveillance des cas individuels a été maintenue en France jusqu’au 6 juillet. Au cours de l’été 2009, la surveillance des cas groupés a permis de suivre la diffusion du virus sur le sol français avec une augmentation des cas groupés et du nombre de départements touchés. Toutefois, « la vague pandémique est survenue en France fin octobre pour s’achever après 10 semaines d’épidémie », précisent Sophie Vaux et col.. Cette vague a été plus précoce que les épidémies saisonnières des 10 dernières années. Entre 13 et 24 % de la population a été touchée, soit entre 7,7 et 14,7 millions de personnes auraient été infectées. Au 13 avril 2010, 1 334 cas graves avaient été signalés dont 14 % chez des enfants et 20 % chez des sujets qui n’avaient aucun facteur de risque connu. Parmi les 312 décès liés à la grippe, 27 (9 %) sont survenus chez des enfants de moins de 15 ans et 49 (16 %) chez des patients n’ayant pas de facteur de risque connu.
Bilan contrasté.
« Comme dans la plupart des pays, le bilan de la pandémie en France est contrasté », résume Françoise Weber. Elle s’est caractérisée par « une mortalité directe et indirecte quantitativement faibles, et une grande bénignité, voire l’absence de symptômes dans la plupart des cas. Ce constat rassurant partagé par la majorité de la population et des professionnels de santé ne doit cependant pas occulter une gravité particulière chez certaines personnes et dans certains groupes de population », note-t-elle. De plus « les tableaux de grippe fulminante, caractéristiques des nouveaux virus grippaux, ont été particulièrement fréquents, alors qu’ils ne sont quasiment pas rencontrés lors des épisodes saisonniers », insiste-t-elle.
Reste que la surestimation de la gravité a contribué à une riposte surdimensionnée. Sophie Vaux et col. estiment que si la surveillance individuelle des cas et la surveillance des cas groupés ont atteint leurs objectifs, elles « ont été très consommatrices en ressources humaines pour les structures hospitalières, les SAMU, les DDASS, les épidémiologistes et les virologistes. Des retours d’expérience sont prévus pour évaluer la pertinence de ces dispositifs de surveillance et identifier les améliorations à y apporter en cas de nouvelle situation pandémique. »
Quant aux raisons de cette surestimation, Isabelle Bonmarin et col. en donnent plusieurs. Selon eux, le nombre de cas observés en 2009 ne concerne qu’une seule vague, contrairement aux autres épidémies, où il recouvrait l’ensemble des vagues. « Si le virus ne change pas, une seconde vague, l’hiver prochain, pourrait réduire l’écart entre les nombres observés et estimés », indiquent-ils. D’autres facteurs, dont la conjonction était difficilement prévisible, ont également joué un rôle : l’immunité préexistante d’une partie non négligeable de la population, la remarquable stabilité du virus, la fréquence des formes asymptomatiques qui ont contribué à l’immunité collective, l’efficacité des antiviraux et du système de soins. Ainsi, la moitié des cas graves ont été hospitalisés dans les deux jours suivant le début des signes et tous les patients grippés nécessitant des soins lourds ont eu accès aux services de réanimation et aux unités de soins intensifs pendant toute la vague. Selon Isabelle Bonmarin, « il aurait été hasardeux » de fonder les scénarios les plus plausibles sur ce type de facteurs. Dans l’avenir toutefois, la dynamique de la pandémie 2009 viendra enrichir la palette des scénarios possibles. Enfin, « l’expérience démontre l’importance de disposer rapidement de techniques de sérologies pour mettre en place des études permettant d’estimer la fraction de la population protégée avant la circulation généralisée du virus », concluent-ils.
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