Entretien

Pr Didier Jayle, chaire d'addictologie du CNAM : « Les médecins n'y connaissent rien »

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Publié le 27/10/2016
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JAYLE

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Crédit photo : DR

Le Pr Didier Jayle (ancien président de la MILDT, aujourd'hui MILDECA), organisateur du colloque sur la légalisation du cannabis au Sénat, estime qu'il faut dissocier cannabis thérapeutique et légalisation.

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Pourquoi le débat sur le cannabis thérapeutique avance aussi peu en France ?

Pr DIDIER JAYLE : Ce qui coince en premier lieu, est le fait que les médecins n’y connaissent rien et ne voient pas pourquoi les patients devraient être autorisés à fumer. Le cannabis thérapeutique ne les intéresse pas, et c’est un peu comme si l’aspect illégal du cannabis avait un retentissement négatif sur le débat autour du cannabis thérapeutique. Il faut dire que rien ne les y incite : le cannabis et ses dérivés appartiennent toujours au tableau IV du classement international des stupéfiants et des psychotropes. Il est donc considéré comme ayant un potentiel d'abus fort, des effets nocifs importants, et comme n'ayant aucune valeur thérapeutique notable. Cette classification est restée inchangée sous la pression des États-Unis.

Autorisation du cannabis thérapeutique et légalisation du cannabis en général, les deux débats sont-ils liés ?

Ils peuvent être dissociés, et ils doivent l'être. Je ne vois pas comment on pourrait mobiliser les médecins le débat est parasité par celui sur la légalisation du cannabis récréationnel. Le cannabis faisait partie de notre (pharmacopée ?) dans les années 1950 mais il n’y a pas d’étude française sérieuse sur le sujet. Aujourd'hui les demandes d'ATU sont rares et compliquées et le discours de l’Académie de médecine dont certains membres se sentent investis d'une mission contre le cannabis n'aide pas. On est vraiment au niveau zéro du chantier.

Croyez-vous que l'année électorale qui s'annonce peut être l'occasion d'un vrai débat comme les déclarations de certains candidats le laissent penser ?

Les Français sont matures, comme l'a prouvé le dernier sondage IPSPOS sur le sujet (52 % des Français interrogés sont favorables à une autorisation encadrée du cannabis NDLR) mais la classe politique l'est moins. Ils ont toujours le sentiment qu'être pour le cannabis thérapeutique signifie être pour la consommation de cannabis en général.

Propos recueillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9529