LE QUOTIDIEN : Comment en êtes-vous arrivé à vous passionner pour la Shigella ?
Pr PHILIPPE SANSONETTI : Quand j’ai commencé à vouloir appliquer la génétique moléculaire aux bactéries pathogènes, dans les années soixante-dix, il y avait très peu de modèles possibles. La génétique moléculaire s’était développée avec Escherichia coli, donc Il fallait un modèle génétiquement très proche.
Les Shigella étaient de plus un enjeu de santé publique avec de grandes épidémies de shigellose, même dans les pays développés. C’était une maladie complexe. On ignorait la manière dont les bactéries pénétraient dans les cellules, provoquaient une inflammation et finissaient par détruire les tissus.
Votre découverte la plus souvent citée est celle, au début des années 1980, du plasmide porteur des gènes de virulences. Quel a été le retentissement de ce travail à l’époque ?
S’il y avait eu des travaux sur les bactéries entérotoxigéniques qui restent dans l’intestin, mais on ne savait vraiment rien sur celles qui envahissaient les tissus. La découverte de ce plasmide a été une sorte de point de rupture. Nous avions isolé une structure génétique relativement restreinte que nous allions pouvoir explorer les gènes qui lui permettaient d’engager les tissus et de les envahir. Par la suite, on a découvert que ces mécanismes étaient communs à d’autres bactéries comme la Listeria.
De votre point de vue, quelles sont les pistes de recherche les plus prometteuses pour venir à bout des entérobactéries résistantes ?
La résistance aux antibiotiques est un problème croissant, y compris dans des zones où l’utilisation des antibiotiques est raisonnée. Si l’on reste sur le strict plan des pathogènes, il y a plusieurs approches : la première consiste à s’attaquer directement aux facteurs de virulence qui permettent l’entrée de la bactérie dans la cellule. Par exemple, des molécules ciblent l’appareil excréteur de type III, spécifique aux bactéries à gram négatif comme Shigella ou Salmonella, qui injecte des facteurs de virulence dans la cellule. Les résultats in vitro étaient très encourageants mais les résultats in vivo beaucoup moins.
Il y a aussi le retour en grâce ce la phagothérapie. De plus en plus de travaux réactualisent ce concept né dans les Pays de l’Est, à l’époque des crises de disponibilité des antibiotiques. Cette approche donne d’assez bons résultats dans les maladies diarrhéiques, et on pourrait libérer des patients en réanimation, confrontés des forts niveaux de résistance aux antibiotiques.
On parle beaucoup de peptides antimicrobiens...
Nous produisons naturellement des peptides antimicrobiens très stables qui font des trous dans les membranes des bactéries. De nombreuses équipes ont tenté de purifier ces peptides qui principalement produits par les insectes.
Le problème, est que ces molécules sont très hydrophobes. Il est possible d’envisager une application locale sur la peau, mais en clinique les autres modes d’administration ne fonctionnent pas. On se penche donc sur la mise au point de moyens de stimuler la production de peptides antimicrobiens par l’hôte. Un de nos projets du labo, consiste à déchiffrer les modes de régulation de la production des peptides antimicrobiens.
Dans notre LabEx IBEID (Integrative Biology of Emerging Infectious Diseases) nous travaillons sur les montages CRISPR-Cas capables d’enlever chirurgicalement les gènes de résistances.
Les essais de transplantations fécales sont aussi des approches importantes. Plus les bactéries deviennent résistantes, plus elles se « tirent une balle dans le pied » en perdant de la « fitness ». Si on les mets en compétition avec des bactéries non pathogènes et non résistantes, elles ont alors moins de place pour se développer.
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