Fraîchement élu à la tête du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), le Dr François Arnault a fixé ce mercredi les premières priorités de son mandat, qui commence dans un contexte de crise aux urgences et, plus généralement, de l'accès aux soins.
Interrogé sur cette actualité brûlante, l’ORL de 70 ans a confirmé un constat sombre pour la profession et le système de santé. « On est devant le mur, le pire c’est maintenant ! », a lancé le patron de l'Ordre, alors que six millions de Français n’ont plus de médecin traitant et que 120 services d'urgences sont fragilisés ou en détresse. « C’est insupportable, intolérable que des patients n’aient pas d'accès aux soins », a cadré le président du Cnom.
Oui aux délégations, non à l'accès direct aux paramédicaux
Le Dr François Arnault décrit une profession exsangue après plus de deux ans de crise sanitaire et un rebond épidémique en cours. « Les médecins, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers sont au maximum de leur capacité de prise en charge, on ne peut pas leur en demander plus, il faudrait plutôt alléger leur charge physique et morale ». Face à l'urgence, le président du Cnom ne voit qu’une solution, « développer des équipes de soins territoriales ». « Il est indispensable de trouver des modes de coopération entre professionnels de santé », plaide-t-il.
Sur la base de « schémas d’organisation de l’offre de soins, territoire par territoire », le président de l'Ordre imagine des équipes pluripro « sous le guidage du médecin ». Avec, à l'évidence, « le report de certains actes médicaux vers d’autres professions », précise-t-il. Oui aux délégations de tâches protocolisées, mais non à l’accès direct aux paramédicaux (comme les kinés) : « Nous n’y sommes pas favorables, il faut que l’entrée dans le soin se fasse d’abord par le médecin », martèle l’ORL.
« Très heureux » de son élection, le successeur de Patrick Bouet se présente à la tête d’un « Ordre rajeuni et paritaire, plus proche de la société médicale d’aujourd’hui ». Il souhaite au passage renouer avec les syndicats médicaux, avec lesquels l'Ordre entretient des relations mitigées, « mais aussi être aux côtés de toutes les autres professions de santé, pour mettre en place ces équipes territoriales le plus vite possible ! ».
Gardes obligatoires, une mauvaise idée
Deux jours après la publication d’un appel commun historique des libéraux et hospitaliers, notamment pour réclamer une régulation médicale préalable à l’entrée des urgences, le Dr François Arnault souscrit à cette initiative. « Le tri des patients leur permet de ne pas faire la queue cinq heures aux urgences alors qu’ils pourraient être pris en charge ailleurs », avance le président de l’Ordre, constatant qu’au CHU de Bordeaux, où une régulation est en place, « la pertinence des patients aux urgences s’est améliorée ».
Pour assurer la permanence des soins, pas question pour autant de rétablir les gardes obligatoires pour les libéraux. Alors que l’exercice en ville est de moins en moins attractif, « cela risque d’accentuer le mal-être des médecins ». « Et pour ceux qui ont 60 ou 65 ans et qui exercent toujours, le retour de la permanence des soins obligatoire les poussera à s’arrêter, ça ne fera qu’aggraver la situation », affirme le président du Cnom, qui est lui-même un bon connaisseur de la démographie médicale. Il précise « que les gardes sont déjà assurées par les libéraux dans tous les départements ».
Désormais, le président du Cnom dit « attendre sagement la nomination d’un ou d’une nouvelle ministre de la Santé », pour soutenir ces organisations territoriales « à la carte » et accompagner « les libéraux et hospitaliers en souffrance ».
Violences gynécologiques : vers un consentement écrit avant examen ?
Invité par ailleurs à se prononcer sur l'enquête ouverte après plusieurs plaintes pour viol visant la secrétaire d’État et gynécologue Chrysoula Zacharopoulou, le président de l’Ordre assure « n’avoir eu connaissance d’aucune plainte ni signalement, au niveau du Conseil national ou départemental ». L’ORL précise que « notre position face à cela sera toujours l’intransigeance, mais l’Ordre n’a pas de pouvoir d’investigation ».
Sur la question des violences gynécologiques, l’Ordre devrait se rapprocher des sociétés savantes pour « proposer des protocoles de prise en charge, bien définir ce qui diffère d'un examen médical et d’un acte répréhensible, ce qui a trait à une agression sexuelle ou un viol », détaille la Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente de l’Ordre. Un plan d’action ordinal autour des violences obstétricales est en cours et la mise en place d’un consentement écrit avant examen « est une possibilité », avance le Dr Arnault. « On ne peut pas imaginer qu’un médecin ne demande pas le consentement d’une ou d’un patient avant un toucher vaginal ou rectal, ajoute la Dr Glaviano-Ceccaldi. D’autant plus dans le cadre de l’endométriose où on touche une population fragile, il faut être encore plus vigilant et attentif. »
Le Dr Arnault exclut, lors de son mandat, « toute intervention directe dans le débat politique ». Pas question de se prononcer sur l’inscription dans la Constitution du droit à l’IVG. « Nous ne prenons pas position sur ce débat de société mais nous défendrons le maintien de la clause de conscience des médecins, tout comme nous défendrons, encore plus, le droit des femmes à avoir recours à l’IVG. »
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