Le couperet est tombé. Marisol Touraine vient d'être nommée... ministre des Affaires sociales et de la Santé dans le nouveau gouvernement Valls.
Depuis son arrivée aux affaires en mai 2012, Marisol Touraine a marqué Ségur de sa sérieuse empreinte. Bourreau de travail, pugnace, rompue aux combats sémantiques au Parlement en sa qualité de députée d'Indre-et-Loire, elle a réussi à imposer en trois ans et demi à son poste deux lois majeures : la loi de santé et la réforme des retraites.
Son passage au ministère de la Santé devient remarquable par sa durée. Il faut remonter à Simone Veil (1974-1978) pour trouver pareille longévité à ce portefeuille exposé.
Des coups, Marisol Touraine en a pourtant pris pendant son mandat. Sa loi de santé, définitivement votée par la représentation nationale le 17 décembre 2015, a généré de fortes tensions avec le monde de la médecine libérale, et ce pendant plus d'un an de concertation et de débat dans les deux chambres du Parlement. Face à l'union sacrée des cinq syndicats représentatifs contre ce texte porteur de la généralisation du tiers payant, la ministre n'a pas bronché.
Au Parlement, devant la presse, en déplacement ou en réunion bilatérale avec ses opposants, elle a maintenu le cap avec une assurance que d’aucuns prendraient pour de la morgue. Nombre de ses détracteurs ont d'ailleurs souvent utilisé cet angle d'attaque pour tenter de la déstabiliser. Une fois seulement, au cœur de la tempête, Marisol Touraine est sortie de ses gonds.
Le tweet du député Arnaud Robinet (Les Républicains) la comparant à une MST, surnom donné par ses détracteurs sur les réseaux sociaux, est à l'origine d'un recadrage masquant mal une vive émotion : « Je ne suis ni imperméable, ni sourde, ni aveugle sur ce qui circule », avait-elle jeté, réclamant son « droit au respect ».
48 heures plus tôt, le 15 mars, l'insulte était largement répandue sur les bannières des 20 000 médecins libéraux foulant les pavés de la capitale contre son projet de loi.
À l’inverse, deux ans quasi jour pour jour avant le vote de la loi de santé, la ministre a réussi l'exploit de ne pas pousser l'ensemble des Français dans la rue au moment du passage au Parlement de sa réforme des retraites et de l'adoption du compte pénibilité. Avant elle, Éric Wœrth n'avait pas eu cette chance.
Outre sa loi de santé, Marisol Touraine peut aussi ajouter à sa collection de réformes l'avenant 8 à la convention médicale. Promesse du candidat Hollande, ce dispositif est à double détente. D'une part, il encadre les dépassements d'honoraires jugés excessifs ; d'autre part, il incite à des pratiques tarifaires plus vertueuses. Trois ans plus tard, le bilan est satisfaisant, du moins selon l'assurance-maladie.
À l'hôpital, un capital sympathie en berne
Malgré un capital sympathie de départ, Marisol Touraine n'a pas tout à fait réussi à se mettre les hospitaliers dans la poche. Certes, les deux réformes du temps de travail des urgentistes et des internes ont le mérite de la nouveauté. Mais leur partialité leur a valu quelques critiques de la part des intersyndicales de praticiens hospitaliers.
Surtout, les PH attendent encore « la » grande réforme qui permettra de rendre à nouveau l'hôpital attractif, notamment aux yeux des jeunes médecins. Trimballés de réunions Couty en discussion Le Menn, les PH ont depuis trois ans eu le temps de déchanter.
Seule la loi de santé peut leur donner matière à (petite) satisfaction. Comme annoncé lors de son premier discours public, à Hôpital Expo en mai 2012, Marisol Touraine a bien réintroduit la notion de service public hospitalier dans la loi. Toujours par le véhicule législatif, elle a remis de l'ordre dans la gouvernance hospitalière et réaffirmé le rôle du patient dans l'organisation du système de soins.
Par l'entremise du Dr Olivier Véran, elle a entamé comme promis, quoique tardivement, une « adaptation » de la tarification à l'activité, afin d'en corriger les effets inflationnistes.
Par contre, l'autre promesse de François Hollande de réduire à moins de 30 minutes l'accès de tous les Français à un service d'urgence est en attente, faute de données chiffrées. Certes, des investissements conséquents ont été faits sur les équipements (hélicoptères) et la formation (médecins correspondants). Des incitations à l'installation en zone médicalement sous-dotées ont également été développées. Pour autant, est-ce suffisant ?
Intellectuelle de la gauche caviar ?
À bientôt 57 ans, Marisol Touraine continue donc son mandat quelques années à Ségur, un ministère qui semble finalement lui convenir.
Spécialiste des affaires sociales et « madame santé » de François Hollande en campagne électorale (malgré son passé strauss-kahnien), la ministre est aussi une fine connaisseuse des dossiers relatifs à la défense et à la géopolitique.
Son parcours universitaire en atteste. Ancienne élève de l'École normale supérieure (ENS), agrégée de sciences économiques et sociales, diplômée de l'Institut d'études politique (IEP) de Paris, la fille du philosophe Alain Touraine a fait ses classes politiques au secrétariat général de la défense nationale et auprès de Michel Rocard à Matignon. Elle a aussi commis il y a deux décennies un livre de 500 pages sur la géopolitique au XXIe siècle.
Reste à savoir si Marisol Touraine, intransigeante au point d'en devenir parfois sévère avec ses collaborateurs, se montrera dans les prochains mois aussi friande en conseillers et directeurs de cabinet (quatre tout de même) qu'à ses débuts.
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