Éditorial

Rendez-vous manqué ?

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Publié le 15/04/2022

Compte tenu du contexte pandémique, la santé aurait dû être au cœur du débat entre les 12 candidats de cette présidentielle. Mais – c’est une déception – au vu des échanges de ce premier tour, on a peu parlé Covid et pas tant que ça de ceux qui l’ont combattu. À cela, deux raisons. Et d’abord, le refus du président de débattre jusque-là avec ses trop nombreux concurrents. Comme si, après deux années de bataille contre une crise qui a mis le chef de l’État en première ligne, la santé en ébullition et les libertés publiques entre parenthèses, Emmanuel Macron se sentait quitte vis-à-vis de ses concitoyens. Les autres candidats ont tenté de se faire entendre, mais sans trop investir les questions de santé. La faute à la guerre, et à l’inflation, dont le retour en force a placé au premier rang le pouvoir d’achat au détriment des autres sujets de préoccupation des électeurs. Soyons justes, deux thèmes centraux pour le système de soins auront tout de même émergé. Presque tous les programmes ont eu à cœur de faire une place à la problématique des déserts médicaux et des conditions de travail à l’hôpital. Dans les deux cas, il s’agissait de trouver des solutions à la pénurie de personnels de santé. La plupart des candidats jugeaient bon de réguler davantage les installations, un chantier qu’aucun gouvernement n’a pourtant osé ouvrir jusque-là… Tous ou presque promettaient aussi des embauches de soignants dans les établissements. Mais on se demande bien où ils auraient trouvé les candidats…
Au final, une fois de plus, la campagne n’aura pour l'instant pas révélé de profondes lignes de clivage sur les questions de santé. À croire que, décidément, la thématique est bien trop sensible pour oser des changements de cap et des ruptures. La gauche pousse davantage pour l’essor de la médecine salariée, mais sans en avoir l’exclusivité désormais. Et le consensus semble atteindre les réformes santé-société, d’ordinaire plus clivantes : ainsi, hormis Zemmour, pas un seul candidat ne proposait de revenir sur la PMA pour toutes. On constate une même unanimité lorsqu’il s’agit d’aborder la question si délicate de la dépendance. Tout le monde plaidant pour dégager des moyens pour les établissements et le maintien à domicile. Mais comment financer cette réforme, les diverses plateformes ayant fait jusqu’alors l’impasse sur le traitement de la dette de la Sécu ?
Le duel Macron-Le Pen sera-t-il l’occasion d’une vraie discussion sur les défis du système de soins ? On verra lors du face-à-face de mercredi prochain, mais c’est peu probable. En dépit de la « normalisation » de  son programme santé ces dernières années, le RN ne propose pas d'alternative crédible à la politique de santé engagée ces dernières années. Et – même si Macron a démarré cette deuxième campagne par une séquence santé à Mulhouse – le débat autour du « front républicain » risque par ailleurs de reléguer au rayon intendance les sujets par trop techniques qui sont le quotidien des acteurs de soins. Faudra-t-il attendre les législatives de juin pour qu’on s’y attelle concrètement ?

Exergue : il n'y eut pas de profondes lignes de clivage sur la santé entre candidats du premier tour

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin