Après plusieurs décisions similaires, c'est une nouvelle ordonnance du Conseil d'État qui conforte le gouvernement dans sa gestion de la crise sanitaire, en particulier dans sa stratégie de distribution des matériels de protection aux soignants.
La plus haute juridiction administrative a rejeté mardi soir la requête en référé du syndicat Jeunes Médecins qui demandait d’enjoindre à l’État de procéder à des réquisitions, achats massifs ou autres formes de soutien à la production de matériel « afin d’assurer la fourniture au personnel soignant, en quantité suffisante, de matériel de protection » tels les masques, surblouses et lunettes.
Très critique à l'endroit du gouvernement depuis le début de la crise, le syndicat du Dr Emanuel Loeb soutenait l’utilité des mesures réclamées pour préserver la santé des personnels soignants et celle de la population. Il plaidait que les carences de l'État en matière de matériel de protection portent « atteinte au droit à la vie et au droit pour un patient de recevoir un traitement approprié ».
La structure jeune faisait aussi valoir que certaines entreprises importent des masques et les distribuent à leurs salariés alors que les soignants restent « en situation de pénurie ». Le ministre de la Santé défendait au contraire qu’il n’a été porté « aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Décrets, cellule logistique…
Sur la question sensible des masques, le conseil d'État rappelle que, lors du début de l’épidémie, il ne restait qu’un stock d’État de 117 millions de masques anti-projections ou masques chirurgicaux et aucun stock stratégique de masques de protection respiratoire de type FFP2. « Des mesures ont alors été prises pour renforcer la production nationale et des commandes massives de masques ont été passées à l’étranger en vue d’importations depuis les principaux pays fournisseurs, dont la Chine, sur un marché international extrêmement tendu. En outre, des mesures de réquisition ont été prises à compter du début du mois de mars 2020 », peut-on lire. Des arguments souvent entendus du côté de l'exécutif…
À cet effet, souligne le juge des référés, un décret du 3 mars 2020 a prononcé la réquisition, « afin d'en assurer un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients », des stocks de masques FFP2 et des stocks de masques anti-projections détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution, ainsi que des masques de ces deux catégories produits à compter du 4 mars.
D'autres décrets ont élargi les réquisitions. Côté logistique, une cellule interministérielle de coordination a été mise en place à Ségur pour mieux identifier les fournisseurs capables d’approvisionner le marché hexagonal, en facilitant l’entrée des produits et en organisant leur distribution, détaille aussi l'ordonnance.
Ambassades, GHT et pharmacies
La haute juridiction administrative cite aussi la mobilisation du réseau des ambassades pour repérer les fournisseurs à l’étranger et la mobilisation de l’appareil de production industrielle pour augmenter la production nationale. « La distribution des masques aux établissements a été organisée par l’intermédiaire des groupements hospitaliers de territoire. Celle des masques aux professionnels de santé exerçant en ville l’a été par l’intermédiaire des pharmacies d’officine », rappelle le Conseil d'État.
Résultat : ces efforts multiples ont permis à l’État, au cours des semaines des 11 et 18 mai 2020, selon un rythme qui devrait être maintenu, d’assurer la distribution d’« environ 100 millions de masques sanitaires », en dotant les professionnels exerçant en établissement de santé sur la base d’une moyenne de 23 masques par professionnel et par semaine, ceux exerçant en EHPAD d’un nombre de masques correspondant à 10 ou 11 par lit ou par place et par semaine et ceux exerçant en ville de 24 masques chacun par semaine pour les médecins, chirurgiens-dentistes, biologistes médicaux, sages-femmes, infirmiers et professionnels en charge des prélèvements nasopharyngés des tests Covid-19.
Concernant les masques FFP2 plus spécifiquement, 12 millions sont distribués chaque semaine, alors que 16 à 17 millions de masques seraient nécessaires. En raison de tension sur les approvisionnement qui pourraient durer jusqu’à début juin, ils sont prioritairement distribués aux personnels hospitaliers et de ville qui réalisent des gestes invasifs et des manœuvres sur les voies respiratoires. Toutefois, « il n’apparaît pas que l’État néglige de prendre des mesures qui permettrait d'améliorer l'approvisionnement », résume le juge.
Tensions locales
À la lumière de ces chiffres, et « même s'il subsiste des tensions locales », le conseil d'État estime qu'il n'est pas possible de prétendre que les besoins des professionnels de santé, en établissement ou en ville, ne sont pas couverts de façon globale. Quant à la grande distribution, il n’apparaît pas que les importations aux fins de vente « conduisent à priver les établissements ou les libéraux de masques nécessaires. »
Dans ces conditions, ordonne la juridiction, « il n’apparaît pas qu’à la date de la présente ordonnance, il puisse être reproché à l’État une carence de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l’une des libertés fondamentales ».
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