La question des réquisitions fermes
LE QUOTIDIEN - Le ton monte parmi les syndicats et les URML qui dénoncent « le discours lénifiant » des autorités nationales de santé et les réalités qui seraient beaucoup plus tendues dans les départements. Ils estiment que ce sont les régions les moins bien loties en termes de démographie médicale (basse et haute Normandie, Poitou-Charente, Centre) qui vont être le plus exposées aux réquisitions. Certains parlent d’un « casus belli ». Que leur répondez-vous ?
ROSELYNE BACHELOT - Je suis bien consciente que la situation est plus difficile dans les départements confrontés à des problèmes de démographie médicale. Ce sont évidemment les départements où, même si proportionnellement le volontariat n’est pas moins important, il y a, de fait, moins de personnels disponibles. J’ai demandé aux préfets de zones de défense de permettre la mutualisation des ressources entre les départements. Je rappelle que notre système est construit pour protéger au maximum l’offre de soins. Dans l’ordre de mobilisation qui a été donné au préfet, les professionnels de santé en charge du soin, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers, sont les derniers mobilisés.
Le droit de vacciner au cabinet
Les URML, MG France et la CSMF rejettent les arguments techniques invoqués par le DGS pour refuser l’autorisation de la vaccination en cabinet. Ils continuent à en faire une exigence.
En outre, les syndicats protestent contre le fait que les personnels des cabinets ne sont pas classés prioritaires pour la vaccination. Comment entendez-vous ces interpellations ?
Les arguments avancés par le directeur général de la Santé pour privilégier une vaccination en centre sont des arguments forts. Dès que nous avons su, au mois de juin, que les vaccins allaient être disponibles, nous avons réfléchi aux modalités pratiques d’organisation de la vaccination. La solution la plus simple aurait été évidemment de recourir à la vaccination en cabinet comme nous le faisons pour la grippe saisonnière. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des nombreuses contraintes qui nous ont obligé à mettre en place une organisation spécifique. Si ces contraintes étaient amenées à évoluer, je n’hésiterai pas à reconsidérer ce schéma. Je ne rappellerai que deux arguments, qui sont soulignés par les médecins libéraux eux-mêmes : le premier est d’ordre éthique. Nous pouvons au niveau national décider et argumenter un ordre de priorité. Dans le cadre du colloque singulier, il est très difficile voire impossible de refuser la vaccination à quelqu’un qui la demande. Ceci placerait les praticiens libéraux dans une situation délicate vis-à-vis de leurs patients. Le deuxième tient à la responsabilité. J’ai décidé que l’État allait assumer la responsabilité de la vaccination, ce qui nécessite une couverture par le régime de réquisition et je n’envisage pas de réquisitionner l’ensemble des médecins libéraux pour une période de 4 mois. Nous aurions alors un véritable « casus belli ». Pour le personnel des cabinets libéraux, j’ai entendu cette demande, en même temps les personnels d’accueil et administratifs des établissements de santé ne sont pas non plus prioritaires, en revanche les infirmières libérales et les sages-femmes le sont.
Le rôle de l’industrie pharmaceutique
Le chiffre d’affaire généré par la pandémie atteindrait 4 milliards d’euros en 2009 selon un assureur et la grippe A procurerait environ 1 milliard d’euros à chacun des trois principaux fabricants. Des médias dénoncent l’opacité et les pressions économiques qui s’exerceraient sur vos décisions.
Je rappelle ce que j’ai déjà dit à ce sujet : les vaccins ont été commandés au mois de juillet, sur la base d’un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) du 22 juin 2009. Ces commandes ont toujours fait l’objet d’une communication publique, régulière, détaillée et exhaustive. Dès que les contrats ont été affermis, le gouvernement a, au cours de nombreuses conférences de presse, annoncé le nombre de doses commandées et les montants investis. En outre, ce sujet a été présenté, dans le détail, aux parlementaires au cours de deux auditions devant la représentation nationale. Enfin, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ayant statué par avis en date du 15 octobre 2009, les contrats relatifs à ces commandes sont désormais transmis à toute personne morale en faisant formellement la demande au ministère en charge de la santé, dans le respect de la loi du 17 juillet 1978 et des dispositions de son article 6. Je ne vois aucune opacité dans cette démarche. Les prix des vaccins sont connus et vous pourrez aisément les rapprocher du prix du vaccin contre la grippe saisonnière. Ils sont très proches et c’est le volume des commandes et la concentration de celles-ci sur les rares industriels aptes à produire ces vaccins spécifiques qui expliquent leurs chiffres d’affaire. Au mois de juin, pour tous les États qui souhaitaient se porter acquéreurs de vaccins, la question était de sécuriser l’approvisionnement. C’est nous qui exercions des pressions sur l’industrie pharmaceutique et pas l’inverse.
La révolte des libéraux
Les URML « jettent l’éponge ». Les libéraux dénoncent depuis quelques jours le tout-étatique du plan anti-pandémie et son hospitalo-centrisme. Ne voyez-vous pas se dessiner une ligne de fracture entre votre ministère et les médecins libéraux ?
Le plan de lutte contre la pandémie grippale est bien entendu un plan étatique, car il définit les modalités d’organisation du gouvernement et les mesures de gestion qu’il doit prendre. Pour ce qui concerne le soin, il repose sur l’organisation des soins de notre pays. Les URML et les syndicats de médecins libéraux ont été largement associés aux différentes étapes de la mise en uvre des mesures du plan pandémie grippale. Je rappelle que depuis le 23 juillet, le dispositif de prise en charge des patients a été élargi à la médecine ambulatoire. La semaine dernière, les médecins libéraux ont pris en charge 341 000 personnes au titre de la grippe A(H1N1). Seuls 203 patients étaient hospitalisés. Par ailleurs les médecins libéraux ont réalisé en un temps beaucoup plus court que d’habitude la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière et ont également réalisé 5 fois plus de vaccinations contre le pneumocoque qu’habituellement. Il n’y a aucun hospitalo-centrisme de ma part ni aucune fracture avec la médecine libérale. Les déclarations fracassantes de certains ne sont pas la position de tous et ne reflètent aucunement la réalité.
NOTRE SYSTÈME EST CONSTRUIT POUR PROTÉGER AU MAXIMUM L’OFFRE DE SOINS
Le contre-exemple médical
L’enquête de MG France-CMH montre que plus d’un tiers des médecins ne comptent pas se faire vacciner (« le Quotidien du 9 novembre). Redoutez-vous l’impact sur le public du contre exemple médical ?
L’importance de la vaccination pour le corps médical, ce n’est pas tant celle de l’exemplarité. Il s’agit d’abord pour les professionnels de se protéger mais également de protéger leur entourage, familles et patients. Je suis moins pessimiste que vous pour ce qui concerne l’adhésion du corps médical à la vaccination. Rendue publique jeudi dernier, l’enquête commanditée par des syndicats de médecins relève que le taux de médecins prêts à se faire vacciner est en augmentation. Ainsi ce sont désormais 58% des libéraux et 66 % des hospitaliers qui sont prêts à se faire vacciner. La participation des médecins à la vaccination dans les établissements vient confirmer ce mouvement. Je salue cette tendance d’autant plus que, comme vous le savez, le risque de contamination des patients par les soignants est réel. Un cas de grippe A(H1N1) nosocomial a été signalé par le CHU de Nice le 5 novembre et ce cas est venu rappeler l’importance de se protéger pour protéger les autres.
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