Consacré par la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement du droit à la vie et à la dignité humaine, le droit à la protection de la santé aurait dû être conforté par la création, l’an dernier, de la protection universelle maladie (PUMa).
Son objectif proclamé n’était-il pas d’universaliser la prise en charge des frais de santé ? Sauf que les étrangers irréguliers sont exclus de la PUMa et relégués à « une protection de second rang », selon la formule du Défenseur des droits, l’AME. Et que la suppression du « maintien des droits » pendant un an impacte de plein fouet les étrangers réguliers qui viennent de perdre leur titre de séjour. La carte Vitale leur est immédiatement retirée, dès l’expiration de leur titre de séjour. Ce sont ainsi chaque année 700 000 étrangers qui se trouvent en rupture de droits aussitôt qu’ils demandent le renouvellement de leurs papiers. De même, les quelque 50 000 étrangers conjoints de Français qui entrent en France chaque année se retrouvent exclus pendant trois mois de l’assurance-maladie. C’est « une régression importante au droit fondamental à la protection de la santé », s’indigne le Défenseur des droits.
Mainmise du ministère de l’Intérieur.
Le sort des étrangers malades subit une évolution qui n’est pas moins préoccupante. Dans une lettre ouverte adressée le mois dernier au Premier ministre, la Cimade (comité qui milite pour les droits des migrants) « s’alarme vivement » au sujet de l’application, depuis le 1er janvier, de la loi du 7 mars 2016. Le texte transfère la responsabilité de l’évaluation médicale des demandes de carte de séjour pour soins : elle passe des mains des médecins de l’Agence régionale de santé (MARS), qui agissent au titre du ministère de la Santé, à celles des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), nommés par le ministère de l’Intérieur.
Pour les associations, réunies au sein de l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers), « les malades étrangers, explique Lise Faron (Cimade), sont abandonnés par le gouvernement car seuls les enjeux de contrôle de l’immigration semblent désormais avoir le pas sur les droits sanitaires. » Une tendance que pointait déjà le rapport du Défenseur des droits sur « les droits fondamentaux des étrangers en France », en épinglant « la tendance à faire primer des considérations liées à la maîtrise de l’immigration sur celles liées à la protection de la santé ».
L'Ordre des médecins « très attentif »
Cette prééminence de la police des étrangers sur le droit fondamental à la protection de la santé était actée dès 2012 par la multiplication des refus d’admission au séjour pour soins prononcés par plusieurs préfets, alors que les médecins avaient émis des avis favorables. En 2013, le Syndicat des médecins inspecteurs de santé public avait dénoncé le phénomène. « Nous avons émis des réserves sur la nouvelle procédure, déclare le Dr André Deseur, vice-président du conseil national de l’Ordre ; nous notons que la possibilité donnée à ces médecins de demander en direct des compléments d’information au médecin traitant n’est pas conforme au code de la santé publique. Et nous demandons que le corps de ces médecins OFII soit institutionnalisé, insiste le Dr Deseur, en annonçant que « l’Ordre se montera très attentif sur l’indépendance de ces médecins, face à d’éventuelles pressions. Si de nouvelles alertes nous remontent, nous réfléchirons à les rendre publiques. »
Sans mettre directement en cause la déontologie des médecins de l’OFII, le Dr Arnaud Veisse, directeur du Comede (Comité pour la santé des exilés), dénonce, « à travers une procédure complexifiée, la dénaturation du rôle des médecins, de plus en plus réduit à une médecine de contrôle, au détriment de la continuité des soins des patients. »
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