Transidentité : une étude mexicaine plaide pour la sortie des troubles mentaux dans la future CIM-11

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Publié le 27/07/2016

Dans la perspective de la révision de la classification internationale de maladies (CIM), qui aura lieu en mai 2018, une étude mexicaine, parue dans le Lancet psychiatry, montre que la détresse et les difficultés que peuvent ressentir les personnes transgenres sont beaucoup plus liées aux expériences de rejet social, de stigmatisation et de violence qu'à la différence entre genre et sexe biologique. Et de plaider pour sortir le diagnostique de transidentité de la CIM-11.

Cette étude fournit ainsi un argument scientifique à la proposition d'un groupe de travail de l'Organisation mondial de la santé (OMS) de faire passer l'identité transgenre du chapitre relatif aux troubles mentaux et comportementaux (où il figure dans la CIM-10 depuis 1990) à un nouveau chapitre relatif à la santé sexuelle (ce qui serait une manière de dépsychiatriser sans dérembourser). Elle va aussi à l'encontre de la catégorisation du DSM V qui, en parlant de dysphorie de genre, « fait de la détresse et la dysfonction des aspects intrinsèques de la transidentité », lit-on dans l'étude.

« La définition de l'identité transgenre comme un trouble mental a servi à justifier un déni de soins et à enfermer ces personnes dans une approche psychiatrique. Elle a aussi conduit des gouvernements à nier à ces personnes un statut légal, leurs droits humains, et leur capacité d'autodétermination », dénonce le Pr Geoffrey Reed, de l'Université nationale autonome de Mexico.

Détresse et difficultés à l'adolescence

Quelque 250 adultes transgenres de 18 à 65 ans ont participé à cette analyse de terrain (un entretien rétrospectif) conduite par l'Institut national de psychiatrie Ramon de le Fuente Muniz de Mexico. La majorité (81 %) était des MtoF (femmes, assignées à un sexe masculin à la naissance).

Les participants disent avoir pris conscience de leur identité de transgenres vers 5, 6 ans en moyenne puis des caractéristiques de leur sexe autour de 12 ans. Ils sont une majorité (184, soit 74 %) à avoir eu recours à la médecine pour modifier leur corps, autour de 25 ans pour la plupart d'entre eux. 73 % ont pris un traitement hormonal, la moitié (84 personnes) sans supervision médicale. Une minorité (14 %, soit 36 personnes) a subi une chirurgie, autour de 28 ans.

Tous témoignent d'un intense désir d'avoir un sexe différent de celui assigné à la naissance. La période de l'adolescence est la plus douloureuse en terme psychologique : 83 % des répondants témoignent d'une détresse liée à la différence entre le sexe biologique et le genre, se caractérisant le plus souvent par des symptômes dépressifs. Ils sont une très grande majorité (90 %) à rapporter des difficultés familiales, sociales, professionnelles, ou universitaires pendant l'adolescence.

Rejet, en particulier de la famille, et violences

Plus des trois quarts (76 %) ont fait l'expérience du rejet (discrimination, agression verbale ou physique), en particulier de la part de membres de la famille, des camarades de classe ou des collègues et des amis. Plus de 60 % ont subi des actes de violences liés au genre ; dans la moitié des cas, au sein de la famille.

À partir de ces réponses, les chercheurs ont utilisé des modèles statistiques pour savoir si la détresse était liée au genre même, ou aux expériences de rejet et de violence. Ils ont découvert qu'aucune des variables liées à la transidentité n'était prédictive de détresse ou de difficultés particulières (sauf le fait de demander à être assigné au sexe désiré, qui est prédictif de difficultés au travail ou à l'université), tandis que le rejet et les violences étaient fortement prédictifs de ces troubles.

« La prochaine étape est de confirmer nos résultats dans d'autres études à l'étranger, en amont de la révision de la CIM » explique l'auteur Dr Rebeca Robles (Institut national de psychiatrie de Mexico). Elle est répliquée actuellement au Brésil, en France, en Inde, au Liban, et en Afrique du Sud.

En attendant, « ce travail souligne le besoin de politiques de santé et de programmes pour réduire la stigmatisation de ces populations », conclut le Dr Robles.


Source : lequotidiendumedecin.fr