Manuel Valls n’a pas eu de chance, jeudi dernier, quand il est resté trois heures à la télévision quelques heures à peine après l’annonce d’une hausse de 0,6 % du chômage, soit 20 000 personnes qui ont perdu leur emploi. Suffit-il que le président et le Premier ministre fassent contre fortune bon cœur chaque fois qu’ils doivent commenter l’aggravation du chômage en France, soit 12 fois par an ? L’incapacité de l’économie française à créer des emplois, en dépit du fameux alignement des planètes (taux d’intérêt historiquement bas, euro faible et énergie bon marché), représente l’échec numéro un du gouvernement. Du coup, ses représentants, à tous les niveaux, tentent de dresser du pays un tableau encourageant dans tous les autres domaines : nous sommes les meilleurs pour le tourisme, nos start-up n’ont rien à envier à celles de la Silicon Valley, certains de nos PME sont ultra-performantes et les pouvoirs publics auraient déjà réussi à diminuer la dépense publique et à réduire le déficit budgétaire tout en consacrant des milliards aux Mistral, aux immigrés que nous devons accueillir, aux baisses d’impôt pour les ménages les plus pauvres, à la Défense nationale, etc. Comment ont-ils pu résoudre la quadrature du cercle ?
« Il n’y a pas de concurrence des pauvretés », affirmé Manuel Valls sur France 2. La question, pourtant, ne porte pas sur la nécessité de s’occuper dignement des migrants, mais sur la façon de financer cette dépense nouvelle. Le gouvernement nous promet sans cesse de compenser chaque dépense imprévue par une restriction budgétaire ailleurs. Mais où ? Quand on mesure la colère des élus locaux, qui s’estiment pris à la gorge par la baisse des dotations aux collectivités, on n’a pas l’impression qu’il sera facile de faire de nouvelles économies. En tout cas, l’agence de notation Moody’s a décidé d’abaisser pour la troisième fois la note de la France (évènement passé largement sous silence), sans doute parce qu’elle ne croit guère au retour de notre budget à l’équilibre en 2017. François Fillon, qui servait de sparring partner à M. Valls, estime que son successeur a « été normalisé par François Hollande. J’ai le sentiment, a-t-il ajouté, qu’il vous a entraîné dans son échec ». Il y a du vrai dans cette remarque parce que, si les efforts du Premier ministre et de son ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, n’ont pas porté leurs fruits, c’est forcément qu’ils sont insuffisants. Il faut, pour sortir la France de l’ornière, un programme radical que la gauche divisée ne peut pas porter.
La persistance du chômage apporte au Front national un atout de plus dans la campagne des élections régionales. De ce point de vue, la responsabilité de la gauche dans les succès éventuels de Marine Le Pen dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca, serait énorme. Pendant que le président de la République temporise avec des Verts disjonctés, une Martine Aubry qui en « a ras-le-bol de Macron », des frondeurs décrits comme des « râleurs » par Bruno Le Roux, chef de la majorité socialiste à l’Assemblée nationale, l’économie, elle, marque le pas. Le chef de l’État, si ça continue, risque de devoir renoncer à se présenter à un second mandat. Mme Aubry estime qu’il sera le bon candidat de la gauche en 2017 si la courbe du chômage s’inverse (ce qui est une manière de lui suggérer de tenir sa promesse de ne pas être candidat dans le cas contraire), mais du train où les choses se passent... M. Hollande est le président des renoncements : contraint de trouver de l’argent pour la baisse des impôts, il a différé de trois mois la baisse des charges pour les entreprises, seul moyen efficace, pourtant, de créer des emplois ; il renonce à beaucoup de ses promesses électorales, comme l’impôt à 75 % pour les riches autrefois, et aujourd’hui, à la fermeture de la centrale de Fessenheim ; et vous verrez que même en l’absence d’une reprise de l’emploi, il sera candidat.
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