La chronique de Richard Liscia

Un scrutin historique : le salut par le vote

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Publié le 04/05/2017
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Le salut par le vote

Le salut par le vote
Crédit photo : AFP

Le problème, avec l'ascension du Front, c'est sans doute que son arrivée au pouvoir serait irréversible. Il ne se contenterait pas de détruire l'Europe et l'euro, ce qui serait déjà un épouvantable gâchis. Il prendrait des dispositions pour se maintenir au pouvoir, y compris contre la volonté du peuple. En faire l'expérience, c'est donc subir à grande échelle la métaphore du sparadrap. Nous ne pourrions plus nous en débarrasser. Marine Le Pen n'a pas seulement réussi à se qualifier pour le second tour, elle a fait du FN un parti classique aux yeux d'une forte fraction de l'électorat, elle a disséminé dans les esprits des notions anti-démocratiques qu'elle a présentées comme légitimes, par exemple une xénophobie maladive, et elle a l'avantage de n'avoir encore jamais exercé le pouvoir, ce qui amène beaucoup de Français, désespérés par les échecs répétés de la lutte contre les inégalités, à vouloir essayer ses recettes.

Lincoln disait qu'on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. Cette maxime est vérifiée en France, où l'ascension du Front n'empêche pas, y compris cette année, l'opposition au Front de s'organiser. Malheureusement, les différends idéologiques entre la gauche et la droite survivent à leur quasi-disparition. C'est au nom de la spécifité de la France insoumise que Jean-Luc Mélenchon laisse ses électeurs voter au second tour en ordre dispersé,  de la même manière qu'une manifestation syndicale unique n'a pas eu lieu pour le 1er-Mai, que Nicolas Dupont-Aignan a trahi sa propre cause en s'alliant à Mme Le Pen, que les réseaux sociaux sont engagés dans une énorme entreprise de diffamation contre Emmanuel Macron, que l'abstentionnisme peut atteindre le 7 mai un niveau tel que Le Pen peut l'emporter.

Comment Macron a été diffamé

Le vote Macron en revanche ne créerait nullement une situation définitive. Chaque citoyen peut voter pour lui et entrer en dissidence contre lui à la faveur des élections législatives. J'insiste sur ce point pour bien montrer qu'il me semble indispensable, en priorité, d'écarter Le Pen. La formation d'un gouvernement fort, capable de redresser la France, est une autre priorité, à peine moins urgente. La différence entre Le Pen et Macron, c'est que la première déclencherait, par les mesures qu'elle a annoncées, un chaos immédiat, alors que le second adopterait les premières d'une longue série de réformes indispensables. On a transformé M. Macron en épouvantail. On prétend qu'il sert les intérêts de François Hollande, alors qu'il a eu le courage de quitter le chef de l'Etat pour porter sa propre cause devant le peuple ; on l'accuse d'être un sous-marin de la gauche alors qu'il a pour devise d'être droite et gauche à la fois ; de son bref passé de banquier on a fait une présentation diabolique en insistant sur le fait qu'il a travaillé chez Rothschild, ajoutant ainsi à sa profession honnie une sombre et muette accusation où l'antisémitisme joue son rôle pervers ; on dénonce sa jeunesse, son enthousiasme, sa robustesse comme s'il s'agissait de graves défauts.

M. Macron, en réalité, a su répondre à la dérive populiste du pays par un discours capable de satisfaire les gens exaspérés. Son âge, inférieur à 40 ans, est déjà un programme ; sa compréhension du malaise national ne fait aucun doute ; sa prise en compte d'une paysage politique chamboulé par la mise en minorité de la gauche et de la droite est certaine ; sa manière, dépourvue de toute démagogie, de proposer un programme socio-économique alternatif, est convaincante. Personne n'est obligé pour autant de verser, à son sujet, dans le culte de la personnalité. S'il y avait des candidats parfaits, nous le saurions.

Bref, voter Le Pen est une folie et ne pas voter Macron, c'est quand même voter Le Pen.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9578