Éditorial

Un surhomme ?

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Publié le 08/04/2022

Le Roi Soleil, il y a trois siècles, était-il plus transparent sur sa santé que nos présidents d'aujourd'hui ? Le fait est que ses courtisans pouvaient le suivre de son lever à son coucher, quand ce n'était pas autour de sa chaise percée. Ils étaient sans doute plus au fait des « humeurs » de leur souverain que ne le sont aujourd’hui les électeurs des maux divers de nos dirigeants successifs. Sous la Ve République, trois d’entre eux – Pompidou, Mitterrand et Chirac — ont été bien malades lors de leur mandat. Et à l’évidence plus toujours en possession de la plénitude de leurs moyens. Leur calvaire impose bien sûr le respect. Mais surtout interroge, tant les Français ont été longtemps tenus dans l’ignorance… quand on ne leur a pas délibérément menti. Dans les milieux journalistiques ou médicaux, la rumeur courrait parfois que le président n’allait pas bien. Mais toujours sur un mode supputatif…

La France est oublieuse. Et ces temps semblent bien loin désormais, à l'heure des réseaux sociaux et avec le plus jeune président que l’Hexagone ait jamais connu. Celui-là, s’il était réélu, n’aurait pas 50 ans à la fin de son second mandat. Et depuis son arrivée à l’Élysée il y a 5 ans, on ne lui connaît officiellement que deux épisodes de « refroidissements » : grosse fatigue à l’automne 2018 qui l’amena à prendre cinq jours de repos et Covid léger en décembre 2020 le contraignant à sept jours d’isolement à sa résidence versaillaise de la Lanterne. Hormis, cette infection, abondamment commentée, y compris par l’intéressé lui-même, rien n’aura filtré des formes et méformes de ce fringant quadra. Sa verdeur semblant d’ailleurs le dispenser de sacrifier au cours de son quinquennat aux traditionnels bulletins de santé.

Ce grand rendez-vous démocratique qu’est la présidentielle doit pourtant être l’occasion de reposer la question : pourquoi, alors que le chef de l’État Français dispose de pouvoirs considérables et à nul autre pareil en démocratie, n’existe-t-il ni visite médicale « d’embauche », ni contrôle régulier effectif de son état, ni procédure efficace de suspension en cas d'incapacité ? Il ne s’agit évidemment pas de priver le Président du secret du colloque singulier auquel, comme tout un chacun, il a droit. Mais simplement reconnaître que l’hôte de l’Élysée n’est pas un surhomme. La transparence devrait s’imposer dès lors qu’une pathologie invalidante risque de perturber le fonctionnement des institutions. Et ce qui vaut pour la santé en général devrait jouer aussi en cas de fragilité mentale avérée. Après tout, ne s’est-on pas interrogé récemment sur l’équilibre psychique d’un Trump ou d’un Poutine ? La France se croit-elle à l’abri ? Pas forcément. Pourtant, ils sont peu nombreux parmi les candidats que nous avons interrogés à préconiser une réforme pour éviter toute méprise. La peur du pouvoir médical peut-être… Et sûrement la crainte d'ouvrir un chantier chronophage, qui nécessiterait une révision de la Constitution.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin