« Ce test pourrait être commercialisé dans un proche futur, peut-être dans 3 ans », confie au « Quotidien » le Pr Alessandra Luchini, chercheuse au Centre de protéomique appliquée et médecine moléculaire (CAPMM) à l’université George Mason (VA, États-Unis) qui a dirigé l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
« Nous avons montré que notre technologie est polyvalente et peut être utilisée pour mesurer différents types de marqueurs de la tuberculose dans l'urine ; elle pourrait être configurée comme un test rapide », précise-t-elle.
Selon Emanuel Petricoin, codirecteur du CAPMM et cosignataire de l’étude, « cette découverte ouvre la voie à la création d’un test urinaire simple pour diagnostiquer la tuberculose active dans les populations défavorisées ».
La tuberculose demeure l’une des infections bactériennes les plus répandues. En 2016, environ 10,4 millions d’individus ont contracté la tuberculose. Et puisque le diagnostic de la tuberculose active repose sur l’analyse des crachats (culture ou PCR), parfois difficile à réaliser dans les régions aux ressources limitées, 40 % des cas ne sont pas diagnostiqués ni traités et ont dès lors une issue funeste (5 % de survie pour les cas de tuberculose pulmonaire active non diagnostiqués).
Un biomarqueur inutilisable jusqu'à maintenant
Les tentatives de mise au point d’un test urinaire diagnostique ont été peu fructueuses jusqu’ici. Pourtant un antigène à la surface de la mycobactérie, appelé LAM (lipoarabinomannan), est libéré dans l’urine durant la tuberculose active, mais les tests étaient insensibles pour le détecter, ou n’étaient utilisables que chez les patients tuberculeux sévèrement immunocompromis par une infection VIH avancée.
Une équipe internationale (Paris et coll.) a maintenant développé une technologie de « nanocage » (un réseau de nanoparticules) qui permet de centupler la sensibilité de détection d’un biomarqueur. Ils ont aussi identifié des colorants chimiques capables de fixer avec haute affinité le LAM (un colorant cuivré RB221), ou d’autres antigènes du bacille tuberculeux, ou même des marqueurs inflammatoires.
Forte sensibilité du test
Évalué chez 48 Péruviens ayant une tuberculose pulmonaire active sans infection VIH, le nouveau test (nanocage RB221) a pu détecter le LAM dans l’urine avec une sensibilité excédant 95 % tout en quantifiant sa concentration (de 14 à 200 pictogrammes/ml). La spécificité dépasse 80 % lorsque des témoins non tuberculeux de même âge, sains ou affectés de pyélonéphrite ou autres infections, sont aussi testés.
En outre, dans une analyse en aveugle, les taux urinaires de LAM se montrent plus élevés lorsque la charge mycobactérienne est plus importante et la tuberculose plus sévère (perte de poids ou toux).
Enfin, sur 9 patients ayant un crachat négatif en microscopie (frottis négatif) mais positif en culture, le test urinaire LAM s’est montré positif dans 8 cas.
Les chercheurs ont également créé des nanocages capables de détecter dans l’urine d’autres marqueurs de tuberculose active (tels que ESAT6 et CFP10) auparavant indétectables, ou des marqueurs inflammatoires.
Vers de nouveaux outils de diagnostic d'autres maladies infectieuses
Le test doit maintenant être validé sur un plus grand nombre de patients. « Notre équipe internationale analyse des échantillons prélevés auprès de 1 200 participants étudiés au Pérou et en Bolivie (tuberculeux confirmés versus témoins sains et malades) », précise le Pr Luchini. « Notre principal objectif scientifique est aussi d’utiliser cette nanotechnologie pour découvrir de façon non biaisée de nouveaux antigènes de la tuberculose dans les liquides corporels qui pourraient offrir des marqueurs diagnostiques supérieurs aux marqueurs historiquement identifiés par culture bactérienne ».
« Cette approche aura un grand impact sur la façon dont nous diagnostiquons et identifions les patients tuberculeux », s’enthousiasme le Dr Robert Gilman (Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health), un membre de l’équipe.
Par ailleurs, note le Dr Roberto Nisini (Institut supérieur de la santé à Rome, Italie), « puisque la technologie peut cibler des molécules virales et bactériennes de différentes classes chimiques, cela ouvre la voie au développement de nouveaux outils pour diagnostiquer de façon plus rapide, spécifique et à bas coût d'autres maladies infectieuses aiguës ou chroniques ». Cette recherche a bénéficié des précieux soutiens du NIH, de la Fondation Bill et Melinda Gates, du Ministère italien de la Santé, et d’Horizon 2000.
Science Translational Medicine, 14 décembre 2017, Paris et coll.
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