« NOTRE HYPOTHÈSE est de bloquer le virus VIH au niveau local, explique au « Quotidien » Morgane Bomsel, directrice de recherche à l’institut Cochin regroupant l’université Paris Descartes, l’Inserm, le CNRS avec le soutien de l’ANRS et du Sidaction et premier auteur d’une étude sur un nouveau vaccin anti-VIH testé avec succès chez les macaques femelles. Le concept bouscule les codes de la recherche sur le VIH admis jusque-là. « Contrairement aux vaccins élaborés auparavant, celui-ci n’a pas pour objectif d’entraîner la production d’IgG sériques avec une défense au niveau systémique, explique Morgane Bomsel. Ce vaccin est à l’origine de la production locale d’IgA et d’IgG muqueux, ce qu’on a mis en évidence dans nos travaux au niveau vaginal. »
Ces anticorps bloquent ainsi l’entrée du virus dans les cellules épithéliales, la « transcytose ». « Mais ce n’est pas tout. Des IgG présentent une activité de destruction du virus, appelée ADCC en anglais pour Antibody-Dependent Cell Cytoxicity. Et ils n’existent qu’au niveau muqueux. S’il existe des IgG sériques, ils sont totalement dépourvus d’activité in vitro ». Alors que la recherche sur l’immunité muqueuse est limitée à un petit cercle de scientifiques, Morgane Bomsel travaille depuis plus d’une quinzaine d’années sur l’entrée muqueuse du VIH.
Séronégativité après rapports à risque.
Dans leur étude, les cinq femelles macaques vaccinées, puis exposées 6 mois plus tard au virus simien SIV par rapport sexuel, sont restées séronégatives. Dans le même temps, les cinq femelles témoins non vaccinées ont été contaminées. « Les résultats nous ont tellement étonnés qu’ils ont été contrôlés deux fois en aveugle par deux équipes différentes, une première fois de façon un peu grossière, la seconde de façon plus précise », se rappelle la chercheuse. Aussi troublants soient-ils, les résultats restent les mêmes. Les cinq femelles vaccinées sont restées séronégatives après des rapports sexuels répétés avec des mâles contaminés. Pour un même individu, la vaccination consiste en l’injection de 2 doses par voie nasale et de 2 autres par voie intra-musculaire pour consolider l’efficacité de la réponse.
À concept différent, voie d’approche différente. « Sur les deux protéines d’enveloppe du VIH, tous les travaux sur le VIH ont consisté à cibler la sous-unité Gp120 soluble et susceptible d’induire une réponse systémique, explique Morgane Bomsel. Dans nos recherches, nous nous sommes intéressés à la sous-unité transmembranaire Gp41 ». Pourquoi s’intéresser à cette sous-unité que l’ensemble de la communauté scientifique a délaissée ? « Les observations de l’équipe italienne de Clerici et Devito à la fin des années 1990 ont fini de nous convaincre que l’idée était bonne, explique Morgane Bomsel. Des femmes ont des rapports sexuels non protégés à risque et restent séronégatives. Les Italiens ont montré que ces femmes présentent des IgA dirigés contre la Gp41 dans leurs sécrétions vaginales. Par la suite, d’autres chercheurs ont montré qu’il existe également chez elles une activité ADCC au niveau local ». Il leur restait donc à reproduire ce phénomène dans la vaccination.
Bouche, rectum, urètre, prépuce ?
Tout d’abord, l’équipe a cherché à mieux caractériser les épitopes reconnus par les IgA à partir d’une banque de femmes exposées séronégatives. La gp41 a l’avantage de présenter des domaines conservés, alors que la gp 120 est très variable. « Un vaccin est constitué d’une partie antigénique et d’une partie vecteur, détaille la chercheuse. Pour la partie Ag, il s’agit d’un morceau de la gp41, qui induit une réponse immune par Ac neutralisants. Pour la partie vecteur, il s’agit d’un virosome bien connu, déjà utilisé pour des vaccins commercialisés comme l’hépatite A. Ce vecteur augmente la réponse immune. Il a l’énorme atout structurel d’avoir une composition lipidique, qui lui permet d’interagir positivement avec la membrane virale ».
Si les Ac neutralisants sont détectés au niveau du vagin, la vaccination ne serait-elle alors profitable qu’aux femmes ? « Il n’y a pas de raison a priori pour que l’immunité muqueuse soit très différente ailleurs, bouche, rectum, urètre, prépuce. Il est ainsi possible qu’il existe une protection contre une transmission non vaginale, c’est-à-dire orale, rectale et chez l’homme. Mais tout cela reste à prouver et il reste encore beaucoup à faire. » Affiner les protocoles d’immunisation, booster la réponse systémique, assurer la mémoire vaccinale. « Une étude de phase I chez 24 femmes vient de s’achever, lâche Morgane Bomsel. Les résultats sont plutôt engageants. Ils seront communiqués courant du mois de mars. »
Immunity, février 2011.
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