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Dossier

Soins primaires

Vents porteurs pour les centres de santé ?

Par Julien Moschetti - Publié le 07/10/2022
Vents porteurs pour les centres de santé ?

En période de crise économique et d'inégalités d'accès aux soins, les centres de santé (ici, à Nanterre) ont des atouts à faire valoir
SEBASTIEN TOUBON

Travail en équipe, salariat, tiers payant, tarifs opposables mais aussi prévention et santé publique : les centres de santé, qui tiennent leur 61 e congrès national, espèrent valoriser leur modèle à l'heure de la réorganisation promise du système de santé.

« Enfin, la santé publique ! » : le slogan et fil rouge du 61e congrès national des centres de santé, qui se réunit jeudi et vendredi à Paris, en dit long sur la nouvelle ambition de ces structures, à l'heure où l'exécutif promet une révolution de la prévention et des choix moins tournés vers le curatif. Les centres de santé aspirent à jouer un rôle moteur et se positionnent déjà comme maîtres d'ouvrage dans le cadre d'un nouveau service public territorial de santé et d'une stratégie populationnelle (lire page 11).

Au-delà du discours politique, le contexte économique pourrait jouer en leur faveur. Les marqueurs historiques des anciens dispensaires (tarifs opposables, tiers payant, accessibilité sociale) prennent un relief particulier dans un contexte de crise du pouvoir d'achat et de renoncement aux soins.

Nouvelle vague 

Côté chiffres, alors que le modèle du médecin isolé est devenu minoritaire (39 % des médecins en 2019), les structures d’exercice coordonné en soins primaires (centres de santé et MSP) ont le vent en poupe. Les centres de santé — plus de 2 200 au total pour environ 8 000 praticiens — connaissent une « forte dynamique de création » qui s’est accélérée sur les cinq dernières années, confirme le récent rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (HCAAM) sur les soins de proximité. Cette croissance est particulièrement forte pour les centres dentaires (+60 % en quatre ans) et les centres médicaux et polyvalents (+45 %). 

Médecin généraliste, directeur de santé de la ville de Malakoff (où existent deux centres municipaux), le Dr Éric May observe une « nouvelle vague » de centres depuis une dizaine d'années, une tendance « accélérée en raison de la désertification médicale » mais aussi parce que ces structures bénéficient depuis 2016 des financements de l'Assurance-maldie dans le cadre de l'accord national (rémunération forfaitaire spécifique des centres de santé et valorisation de l’activité des médecins traitants salariés en transposant la ROSP et les forfaits des libéraux). Même si le modèle financier reste très critiqué par certains leaders syndicaux libéraux (lire page 13), les nouvelles structures se créent dans un cadre économique plus solide que par le passé.

Limiter la charge mentale

Si le modèle des « CDS » a le vent en poupe, c’est aussi parce qu’il correspond aux aspirations des jeunes médecins, qui plébiscitent le travail en équipe et sont rassurés par le salariat. « Nous nous adaptons à leur demande », a compris André Accary, président du département de Saône-et-Loire, qui a tout misé sur le salariat depuis 2017 pour attirer les blouses blanches et compte six centres départementaux de santé et une trentaine d'antennes.

Vice-président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), le Dr Simon Frémaux est convaincu. Le généraliste de 34 ans exerce au centre de santé municipal d’Arcueil depuis mars 2020, aux côtés de sept autres généralistes « à peu près dans la même tranche d’âge ». Selon lui, les jeunes médecins apprécient le travail en équipe, qui permet de « limiter la charge mentale », « répartir la charge de travail » et « déléguer certaines missions », comme l’éducation thérapeutique. « Cela offre un temps aux patients que les médecins n’ont pas forcément », constate le Dr Frémaux qui évoque aussi les horaires et la protection sociale.

IPA et soins non programmés

La signature avec la Cnam, en avril dernier, de l’avenant 4 à l’accord national pourrait accélérer la dynamique. Complétant les rémunérations forfaitaires, il ajoute des indicateurs portant sur la crise sanitaire, la participation et l’effection dans le cadre du service d’accès aux soins (SAS), l’intégration des infirmiers en pratique avancée (IPA), le numérique en santé et les actions de santé publique. Il valorise les indicateurs concernant les patients vulnérables et l’implication des usagers. Ces nouvelles ressources « représentent à peu près 20 % de nos recettes actuellement », souligne la Dr Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires).

La directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Cnam, Marguerite Cazeneuve, se réjouit de cet avenant. Celui-ci renforce non seulement « le soutien aux publics précaires » mais valorise aussi « la mise en place de parcours, l’accessibilité aux soins ou les missions de santé publique ». Autre enjeu : la régulation du conventionnement, notamment pour lutter contre les fraudes de certains centres ophtalmologiques et dentaires. La numéro 2 de la Cnam voudrait à cet égard « pousser en priorité les centres polyvalents particulièrement engagés sur leur territoire ».

Les expérimentations forfaitaires actuelles article 51 (paiement forfaitaire en équipe de professionnels de santé — PEPS — et incitation à une prise en charge partagée — IPEP) sont un autre levier prometteur pour les centres de santé. Des forfaits que le secteur voudrait pérenniser par avenant pour valoriser les équipes traitantes. Une autre façon d'afficher ses ambitions.