Manque de productivité et d’efficience, concurrence territoriale jugée déloyale, coût pour les collectivités et le contribuable… Bon an mal an, les centres de santé sont la cible de critiques plus ou moins vives de la part des représentants des médecins libéraux.
La CSMF prend régulièrement l’exemple des centres de santé départementaux de la Saône-et-Loire, présentés comme une arme puissante face aux déserts. Selon le dernier rapport du Hcaam sur l’organisation des soins de proximité, 24 000 patients s’étaient inscrits auprès de ses 70 médecins salariés en janvier dernier. Cela fait donc 342 patients par praticien, a calculé la CSMF, soit un « chiffre très inférieur à la moyenne de 941 patients médecins traitants », constatée en juin 2021 par la Cnam.
Le même rapport ajoute que les dépenses de fonctionnement s’élevaient à 6,65 millions d’euros pour 5,65 millions de recettes d’activité (2020). Le département apportait donc une subvention d’équilibre d’un million d’euros. Le chiffre d'affaires (CA) annuel généré était donc en moyenne de 80 000 euros par médecin, soit « très loin des 159 000 euros moyens de CA pour les spécialistes en médecine générale en exercice libéral », relève encore la Conf' qui s’interroge sur l’efficience du modèle et « son coût fiscal pour la population ». Contacté par « Le Quotidien », son président, le Dr Franck Devulder, enfonce le clou. « 80 000 euros de CA, c’est deux fois moins que les libéraux » qui ont une patientèle « 2,5 à 3 fois plus importante », résume le gastro-entérologue. Selon lui, la productivité des médecins des centres de santé serait « nettement moindre ».
<39h, pas de gardes...
Autre grief : l’attrait croissant des jeunes médecins pour le salariat et des horaires à la carte complexifie la tâche des libéraux en quête de remplaçants ou de successeurs. Et d'évoquer la démarche de certains centres de santé mettant en avant les 35h ou 39h hebdomadaires ou l’absence de gardes et de contraintes. Selon le patron de la CSMF, « ce n’est pas responsable de tenir ce genre de discours alors que notre système craque de partout ». Son syndicat défend « une politique de droits et de devoirs pour tous les acteurs de la santé », en particulier pour les médecins « qu’ils soient libéraux ou salariés ».
Même regard critique au Syndicat des médecins libéraux (SML). Son président, le Dr Philippe Vermesch, regrette que nombre de centres de santé, aux horaires encadrés, « ne participent pas à la permanence des soins et aux gardes ». « Un médecin libéral équivaut à 2,2 salariés » en termes de productivité, évalue-t-il. Quant au salariat, sous couvert d’apporter une réponse plus directe dans les zones fragiles, il « vise à éradiquer la médecine libérale au profit d’une médecine publique » dénonçait déjà le SML en 2018. Quatre ans plus tard, son président persiste et signe : « Le salariat se développe partout mais coûte plus cher à tout le monde. En termes de performance, vous ne ferez pas mieux qu’un libéral, aussi bien en matière de patients vus que d’actes réalisés ». Une tendance jugée d'autant plus inquiétante dans un contexte où la moyenne d’âge de la profession augmente et où le défi consiste à regagner du temps médical. Pendant ce temps, des centres de santé « promeuvent leur exercice sur de grands panneaux d'affichage, c'est de la concurrence déloyale », juge le stomatologue.
Distorsion de concurrence
Président de l’Union française pour une médecine libre (UFML-Syndicat), le Dr Jérôme Marty parle également de « distorsion de concurrence », dès lors que le modèle économique de ces dispensaires — que le financement soit municipal, départemental, régional ou associatif — « repose largement sur des subventions » dont ne bénéficient pas les libéraux. Pour le généraliste de Fronton, « les actes à 25 euros ne suffisent pas à payer les salaires et, sans subvention, le modèle s’effondre ».
Quant à l’argument de la complexité et de la vulnérabilité de la patientèle, il agace également le secteur libéral. « Les centres de santé nous disent "on prend le temps d’examiner les patients, de les voir dans leur globalité" Mais pourquoi ont-ils ce temps ? Parce qu’ils n’ont pas besoin d‘être rentables ». Pour sortir de cette « escroquerie intellectuelle », le président de l’UFML exige une transparence sur le budget du secteur. « Il faudrait connaître le montant exact des subventions par an, les coûts des centres et donc le coût par patient pour le rapporter au prix de l‘acte. »
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