Depuis la Conférence mondiale de l'Organisation des Nations unies sur les femmes, à Pékin en 1995, la lumière se fait peu à peu sur les violences au sein des couples (ou « entre partenaires intimes »), qui sortent du domaine exclusif de la police justice, pour investir celui de la santé publique. Ce notamment via l'épidémiologie, comme le révèle le Bulletin épidémiologique hebdomadaire publié ce 19 juillet par Santé publique France.
Sur le terrain, les progrès sont tangibles. Ainsi, une étude sur les victimes de violences conjugales s'étant présentées au CHU de Toulouse en 2013 montre qu'elles consultent davantage dans le service de médecine légale pour coups et blessures volontaires, que les victimes d'autres types de violences, « ce qui révèle peut-être d'une meilleure information aux urgences », supposent les auteurs Catherine Raux et coll.
Meilleure information sur le service de médecine légale
À partir des 880 consultations aux urgences pour rixes ou agressions en 2013, l'étude compare les patients victimes de violences conjugales, et celles de violences volontaires. Les premières – repérables sous le codage « agression » – représentent 73 cas (60 femmes et 13 hommes), soit 8,2 % de la population d'étude. Elles se rendent plus fréquemment (34,3 % vs 20,8 %) dans le service des urgences de Rangueil (siège de l'Unité médico-judiciaire, ce qui est connu des femmes ayant des antécédents de violences conjugales) qu'au CHU de Purpan. Elles présentent moins fréquemment des signes de gravité clinique (23 % vs 48 %) et subissent moins d'examens d'imagerie (37 % vs 56 %). « Les victimes viennent-elles aux urgences dans un but d'éloignement du conjoint ? Ces consultations sont-elles une forme de demande d'aide auprès des professionnels de santé ? », s'interrogent les auteurs, qui soulignent la nécessité d'étudier spécifiquement le retentissement psychologique de ces violences.
Toujours est-il que les victimes de violences de couples bénéficient de beaucoup plus d'informations que les autres victimes de violences volontaires (70 % vs 30 %) sur l'existence du service de médecine légale et reçoivent davantage un certificat médical initial (CMI) (26 % vs 13 %) – qui peut être considéré comme la réponse à la volonté de matérialiser ces faits de violence, avancent les auteurs.
Malgré le renforcement des droits des victimes qui s'est traduit par une augmentation des consultations en médecine légale depuis 2006, les auteurs déplorent encore 30 % de perdues de vue par la justice, qui ne les réorientent pas vers les UMJ.
En France, une femme décède tous les 3 jours
Une femme européenne sur 5 a été victime de violences physiques et/ou sexuelles depuis l'âge de 15 ans, et presque 1 sur 2 a été victime de violences psychologiques, selon les travaux de l'Agence européenne des droits fondamentaux, relayés par l'article de Marie-Thérèse Guillam et coll. sur l'épidémiologie des violences conjugales en France et dans les pays occidentaux. Ces prévalences augmentent notamment dans les pays où la parole est libérée sur ces sujets, avec une meilleure égalité entre les genres (Danemark, Lettonie et Finlande).
Quant aux homicides, 13,5 % ont été commis par un partenaire intime, selon une étude de l'OMS sur 66 pays publiée en 2013. 38,6 % des homicides de femmes et 6,3 % des meurtres d'hommes ont été commis par le conjoint.
En 2014 en France, 118 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnons (ainsi que 7 enfants tandis que 11 ont été témoins de scènes de crime).
Le coût des violences au sein du couple et de leurs conséquences sur les enfants (VSCE) est estimé à 3,6 milliards d'euros en 2012, dont 21 % sont directs (dont la moitié sont médicaux), rappelle enfin l'article de Catherine Cavalin et coll.
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