Essai de Rennes : ouverture d'une enquête sur la survenue d'un AVC chez l'un des volontaires

Par
Publié le 10/01/2017
rennes

rennes
Crédit photo : AFP

Selon les informations du « Figaro », le parquet de Paris a ouvert il y a quelques mois une enquête préliminaire concernant la survenue d'un AVC chez un volontaire lors de l’essai clinique mortel de Rennes, en novembre 2015. Cette enquête est à distinguer de l'information judiciaire ouverte depuis juin pour homicide et blessure involontaires, à la suite du décès d'un des volontaires de l'essai de phase 1 de la molécule BIA 10-2474 dont le développement a été abandonné depuis.

Controverse sur la datation de l'IRM

Selon les IRM réalisées sur les volontaires suite au décès du volontaire, les volontaires présentent « une signature IMR inédit ». Les médecins de Rennes ont en outre trouvé de façon fortuite les traces d'un AVC considéré comme antérieur d'un mois à son entrée dans l'essai chez Patrick Ollive, un autre participant dont la demande de constitution de partie civile dans l'information judiciaire avait été rejetée.

Selon des expertises menées sur demande du « Figaro » par deux neuroradiologues, un biophysicien et un professeur de neurologie (le Pr Alain Privat, de l’Académie de médecine, le seul qui a accepté de rendre son identité publique), l'AVC serait plus récent, et aurait eu lieu au moment où Patrick Ollive se trouvait dans les locaux de Biotrial pour tester le BIA 10-2474.

Pour le Pr Privat, le terme même d'AVC est impropre : « M. Patrick Ollive n’a pas déclaré d'AVC, rappelle-t-il. Avec les 3 autres spécialistes, nous avons rendu nos conclusions séparément et elles concordent : nous avons tous remarqué un signe de lésion qui peut être mis en relation avec cette molécule. »

Dans son rapport publié en novembre, le comité d'experts réuni par l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) estime que « la datation exacte en IRM de la survenue de l’infarctus responsable d’une image séquellaire n’est pas possible ». Ils précisent que, dans l'image observée le 16 janvier 2016, le coefficient de diffusion apparente est très élevé et il existe une nécrose laminaire en hypersignal T1 qui apparaît vers la seconde semaine de l’évolution et qui devient particulièrement nette après le premier mois.

Il n'y a « pas d’argument pour une transformation hémorragique, poursuivent les experts de l'ANSM. Il n’y a ni zone en hyposignal T1 ou FLAIR qui correspondrait à la formation de zones microkystiques, ni dilatation des espaces sous‐arachnoïdiens en périphérie de la lésion qui témoignerait d’une atrophie locale, habituellement observée au-delà de trois mois. »

Lien possible mais peu probable, selon l'ANSM

Les caractéristiques des anomalies constatées chez ce volontaire permettent de situer l’ancienneté de l’infarctus dans une fourchette comprise entre 1 et 3 mois, « sans pouvoir raisonnablement être plus précis », précise le rapport qui n'exclut pas un lien de causalité entre l’administration du produit et l’infarctus cérébelleux. « Un tel lien paraît cependant très peu probable tant cette séquelle ischémique cérébelleuse diffère, dans ses caractéristiques et son probable mécanisme, des lésions observées dans la cohorte MAD n° 5 », concluent les auteurs.

Les données IRM de ce volontaire suggèrent un infarctus de mécanisme vraisemblablement thromboembolique alors que, dans la cohorte MAD n° 5, les anomalies complexes de signal et la topographie bilatérale et symétrique des lésions observées ne peuvent pas s’expliquer par un ou plusieurs infarctus et orientent vers un mécanisme toxique.

Cette conclusion est contestée par le Pr Privat : « Il est extrêmement difficile, d’après ces images, de déduire qu’il s’agit d’un mécanisme thromboembolique sans que l'on ait de donnée sur l'évolution de la lésion, explique-t-il. Chez le patient décédé de la cohorte 5, on ne connaissait pas le mécanisme impliqué, on savait juste qu'il s'agit d'un événement massif et de progressif. M. Ollive a reçu une dose de 20 mg, bien plus faible que le volontaire décédé, ce qui peut avoir provoqué un phénomène plus local. En tout cas, il me paraît très exagéré d'exclure un lien avec la molécule. »

Selon le Pr Marie‐Germaine Bousser, de l'hôpital Lariboisière (AP-HP), qui a participé au CSST, « il s'agit bien d'un AVC, car il est situé pile dans le territoire d'une branche artériel, précise-t-elle. Par ailleurs, il n'y a, a priori, pas de lien entre des lésions qui surviennent dans le territoire de l'artère cérébelleuse postérieure concernée et les troubles visuels déclarés par le volontaire. Il s'agit soit d'une petite embolie soit une petite thrombose locale comme on en observe fréquemment chez un patient de son âge avec un léger surpoids. »

C'est à la suite de ces comptes rendus contradictoires que le parquet de Paris a pris l'initiative d'une enquête préliminaire. Plusieurs auditions ont eu lieu, dont le Pr Alain Privat.


Source : lequotidiendumedecin.fr