Pour améliorer le diagnostic des maladies auto-inflammatoires systémiques (MAIS), un projet européen de grande ampleur piloté par l'INSERM s'attelle depuis mai 2018 à identifier des biomarqueurs spécifiques. En s'appuyant sur les technologies dites « omiques » et l'intelligence artificielle, le projet ImmunAID (pour Immunome project consortium for AutoInflammatory Disorders) se donne 5 ans pour élaborer une nouvelle classification de ces pathologies ainsi que des tests diagnostiques.
« Les MAIS sont un groupe de maladies auto-inflammatoires rares, peu connues des médecins hors du champ des maladies systémiques, car elles sont très hétérogènes et difficiles à étudier, indique au « Quotidien » le Pr Vassili Soumelis, immunologiste à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), professeur à l’université de Paris et coordinateur du projet. Du fait de symptômes peu spécifiques comme la fièvre et l'inflammation, les patients sont souvent en errance diagnostique ». Il existe des MAIS monogéniques comme la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) et des MAIS génétiquement non définies comme la maladie de Still ou les vascularites de Behçet et de Kawasaki. Environ 80 % de ces maladies sont prises en compte dans l'étude.
Big data
Douze pays* sont impliqués dans le projet ImmunAID qui dispose d'une enveloppe budgétaire de 15,8 millions d'euros. « Nous avons répondu à l'appel d'offres du programme européen Horizon 2020 portant sur l'utilisation des données omiques dans les maladies rares », explique le Pr Soumelis. Plus de 700 patients devraient être inclus dans l'étude clinique - dont l'investigateur principal est le Pr Bruno Fautrel. Les inclusions ont démarré en décembre 2019 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), et d'autres centres français vont suivre début 2020 à Paris mais aussi dans d'autres villes comme Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes et Strasbourg. « Il y a une forte implication de la France dans ce projet grâce au réseau de recherche clinique F-CRIN IMIDIATE », relève le chercheur.
Quatre types de données vont être étudiés : les données protéomiques (analyse des protéines sériques), génomiques (analyse du séquençage de l'ADN, reflet du génotype), transcriptomiques (analyse du séquençage de l'ARN, reflet du phénotype) et celles du microbiome intestinal (analyse de l'ensemble des micro-organismes constituant la flore intestinale). « L'ensemble de ces données permettra d'évaluer ce que nous appelons l'immunome, qui correspond à une analyse très globale de l'immunité », précise le Pr Soumelis.
Le recours au machine learning
Les données seront analysées par différentes approches, allant de la bio-informatique au machine learning. « Nous allons évaluer les différentes approches et identifier celle qui est la plus performante pour un type de donnée », souligne l'immunologiste.
L'analyse de ces milliers de données représente un vrai défi : « notre objectif est de parvenir à faire émerger des outils pratiques à partir de ces données complexes sans en perdre la substantifique moelle, note le Pr Soumelis. Nous devons réussir à identifier les variables qui concentrent une information importante ». Et ce, afin d'intégrer les données au sein d'un algorithme décisionnel pour aider au diagnostic en cas de fièvre d'origine indéterminée. En pratique, le médecin généraliste devrait être en mesure de diagnostiquer une MAIS à partir d'une prise de sang notamment en s'intéressant à quelques variables de référence.
En parallèle de ces travaux, des analyses biologiques sont aussi réalisées dans le cadre du projet ImmunAID afin d'identifier les mécanismes en jeu. Des cibles thérapeutiques pourraient également émerger à partir des données omiques et biologiques et conduire au développement de traitements spécifiques. « Nous sommes déjà en relation avec des industriels, avance le coordinateur du projet. Mais la priorité aujourd’hui est l’inclusion des patients dans l’étude clinique qui représente à elle seule un enjeu d’envergure. »
*France, Turquie, Suisse, Espagne, Slovénie, Pays-Bas, Grèce, Belgique, Italie, Allemagne, Royaume-Uni et Danemark
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