Intégrité scientifique : l'office parlementaire appelle à une remise en cause collective du système de la recherche

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Publié le 05/03/2021
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Crédit photo : S.Toubon

Comment promouvoir l'intégrité scientifique et lutter contre les fraudes et les méconduites ? En s'attaquant au fonctionnement du système de la recherche dans son ensemble et en assurant un environnement favorable à l'émulation, répond l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dans un rapport publié ce 4 mars.

L'office transpartisan a été saisi début 2019 par la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, dans un contexte d'affaires retentissantes de fraudes scientifiques*, impliquant plusieurs chercheurs. Depuis, la crise du Covid-19 a offert une nouvelle « caisse de résonance aux difficultés de l'intégrité scientifique » et a pu malmener la « confiance entre la société et le monde de la science », a souligné l'un des deux rapporteurs, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, archéologue de formation et chercheur au CNRS, l'autre auteur étant le député Pierre Henriet, doctorant en épistémologie et histoire des sciences et techniques.

Course à la publication, recherches de financement

L'OPECST n'entend pas accabler les chercheurs individuellement. Le rapport pointe plutôt un « problème systémique, inhérent au monde de la recherche, qui tend à favoriser » des comportements « peu intègres » (fraude, plagiat, fabrication de données…). En cause : la course à la publication scientifique, la pression à la production de résultats positifs, ou encore le dilemme « financement ou famine », qui pousse les chercheurs à publier des résultats en soutien à une demande de fonds ou à s'inscrire dans un axe prédéfini.

« Lors de nos auditions, nous avons compris que la grande majorité de la communauté scientifique n'était plus en capacité (....) de mettre un terme aux phénomènes de méconduites scientifiques qui avaient tendance à se multiplier », a expliqué Pierre Ouzoulias.

Effort collectif

Les auteurs appellent donc à un « effort collectif », impliquant tous les acteurs de la recherche, chercheurs, mais aussi opérateurs, financeurs, ministères, pour construire un environnement propice au renforcement de l'intégrité.

Parmi les 10 propositions avancées par l'OPECST, certaines ciblent bien sûr les comportements individuels, comme celles qui portent sur la sanction des méconduites. Alors que ces affaires sont souvent traitées en interne, sans grande transparence, les auteurs demandent que les règles d'instruction soient davantage normalisées. Le débat contradictoire doit être mieux respecté, en garantissant par exemple une assistance au chercheur mis en cause, la possibilité d'un recours face aux sanctions ou d'une réhabilitation. La décision finale devrait être collégiale, et pas seulement du ressort du chef d'établissement.

En miroir, la formation en intégrité scientifique devrait être obligatoire tout au long de la carrière d'un chercheur, en particulier pour les encadrants et autres positions de mentorat (habilitation à diriger des recherches, post-doc). Actuellement, seuls les doctorants reçoivent obligatoirement cette formation.

Des avancées dans la loi de programmation

Le rapport salue « des avancées » obtenues dans la loi de programmation de la recherche : l'introduction dans le Code de la recherche d'une définition de l'intégrité scientifique comme valeur qui permet de garantir l'honnêteté et la rigueur d'une activité, la prestation d'un serment d'intégrité par le nouveau chercheur lors de sa soutenance de thèse, l'extension de la déclaration de conflits d'intérêts, ou encore la prise en compte de l'intégrité scientifique dans le cadre des évaluations du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres).

Mais l'OPECST appelle, plus profondément, à redéfinir les missions des instances telles que l'Office français de l'intégrité scientifique (Ofis), le Conseil français de l'intégrité scientifique (Cofis), qui oriente et supervise ces travaux, le Hcéres, qui les chapeaute tous les deux, et le réseau national des référents à l'intégrité scientifique (Resint) et à veiller à leur bonne articulation. « Département du Hcéres, l'indépendance institutionnelle de l'Ofis est relative. Il est indispensable de lui assurer une totale maîtrise de ses travaux et recommandations », lit-on. La nomination de Référents intégrité scientifique (RIS) est par ailleurs encouragée dans l'ensemble des établissements.

Enfin, le rapport invite à promouvoir le contrôle par les pairs des productions scientifiques, dans le cadre de la politique de science ouverte, et pour ce faire, à définir des normes d'archivage et de mise à disposition des données de la recherche.

*L'OPECST cite le biologiste végétal Olivier Voinnet, soupçonné d’avoir manipulé des images de gels d’électrophorèse dans certains de ses articles ; Catherine Jessus, directrice de l’Institut des sciences biologiques, soupçonnée d’avoir manipulé des images dans plusieurs de ses articles ; Anne Peyroche, présidente par intérim du CNRS, soupçonnée de fraudes (manipulations d’images) ; l’avocat Arash Derambarsh, soupçonné d’avoir effectué plus de 92 % de plagiat dans sa thèse de doctorat.


Source : lequotidiendumedecin.fr