L'INSERM récompense annuellement, par différents prix, des personnalités qui contribuent à son excellence scientifique. Cette année, le Grand prix a été attribué à Alain Tedgui pour ses travaux sur l'athérosclérose, et Pierre Golstein a reçu un Prix spécial pour l'identification de la protéine CTLA-4. La cérémonie de remise des prix se déroulera au Collège de France le 11 décembre.
Parvenir à cibler l'inflammation liée à l'athérosclérose
Lorsqu'Alain Tedgui commence ses recherches il y a une trentaine d'années sur l'athérosclérose, le rôle du cholestérol était connu, moins son caractère inflammatoire. « Le lien entre les deux a été montré petit à petit : le cholestérol est le facteur déclenchant et l'inflammation qui résulte de son accumulation dans la paroi artérielle cause la maladie », explique-t-il.
Avec son équipe du Paris-Centre de Recherche Cardiovasculaire (INSERM U970), il découvre à la fin des années 1990 que l'interleukine 10 (IL-10) et le TGFβ, deux cytokines connues pour leurs propriétés anti-inflammatoires, ont aussi un effet anti-athérogène.
« Nous nous sommes ensuite intéressés aux cellules qui les produisent », raconte-t-il. En 2006, avec son équipe, il met en évidence qu'une sous-population de lymphocytes T, les cellules T régulatrices, est capable de sécréter l’IL10 et le TGFβ et a un rôle protecteur contre les maladies auto-immunes. « Le rôle des lymphocytes T de l'immunité adaptative dans l'athérosclérose était connu depuis les années 1980, mais nous pensions que les cellules T CD4 étaient pro-athérogènes. Nous avons montré que la situation est en fait un peu plus complexe », note le chercheur.
Encore plus tard, au début des années 2010, l’équipe d'Alain Tedgui s’intéresse aux lymphocytes B : « alors que l'idée générale était de penser que les lymphocytes B avaient plutôt un rôle protecteur dans l'athérosclérose, nous avons montré que les lymphocytes B2 conventionnels, la population majoritaire de lymphocytes B, sont pro-athérogènes. D’autres avaient montré qu’une sous-population, les B1, étaient effectivement protecteurs via la production d'anticorps naturels », explique-t-il.
Ces découvertes ont donné lieu à deux essais de phase I/II en cours en Angleterre, dirigés par Ziad Mallat (INSERM/université de Cambridge), un collaborateur d'Alain Tedgui. Les résultats sont attendus pour 2019. Le premier vise à étudier si le fait de bloquer les lymphocytes B2 (par l'intermédiaire d'un anti-CD20) peut avoir un effet bénéfique sur la maladie athéromateuse, le second l'intérêt de petites doses d’interleukine 2 qui devrait permettre un bénéfice clinique en stimulant la production de lymphocytes T régulateurs.
« L'étude CANTOS de 2017 a montré un bénéfice sur les paramètres inflammatoires d'un anticorps anti-IL1β, apportant la preuve de concept chez l'Homme que l'inflammation fait partie intégrante de la maladie athéromateuse », souligne Alain Tedgui.
« Ces découvertes ouvrent la voie à l'immunothérapie des maladies cardiovasculaires, avance-t-il. Tout l'enjeu est désormais de parvenir à cibler spécifiquement l'inflammation liée à l'athérosclérose sans empêcher la réaction inflammatoire qui serait due à un agent pathogène ».
D'une découverte fondamentale au prix Nobel
Dans les années 1980, Pierre Golstein et son équipe du centre d'immunologie de Marseille-Luminy travaillent sur l'identification des mécanismes moléculaires de la cytotoxicité par cellules T cytotoxiques. « Nous utilisions une méthode de clonage soustractive d'ADNc, technique de biologie moléculaire qui visait à identifier des molécules exprimées dans des cellules cytotoxiques, mais pas dans d'autres cellules », raconte le chercheur. Grâce à cette technique, un certain nombre de molécules ont été identifiées, dont la protéine CTLA4 en 1987. À ce moment-là, la fonction de cette protéine demeure inconnue.
Avec ses collègues, ils poursuivent leurs travaux sur les mécanismes de la toxicité, pendant que d'autres équipes cherchent à identifier, avec difficulté, le rôle de CTLA4. « Jusqu'à ce qu'en1995, deux équipes américaines démontrent que cette protéine a un rôle inhibiteur sur les lymphocytes T », indique Pierre Golstein.
Cette découverte a été suivie de près par la publication du travail en 1996 de James Allison, qui a révolutionné la prise en charge du cancer. « Avec son équipe, ils ont montré l'effet antitumoral des anticorps anti-CTLA4 qui pouvaient avoir un effet activateur sur le système immunitaire en levant l'inhibition de CTLA4 », note Pierre Golstein. Ce travail a valu cette année à James Allison le prix Nobel de médecine et de physiologie, avec Tasuku Honjo, dont le travail a porté sur un immunothérapie ciblant PD-1.
« C'est satisfaisant de se rendre compte qu'une découverte fondamentale a abouti à une application thérapeutique importante et reconnue. Ce prix Nobel renforce l'intérêt de notre travail », souligne Pierre Golstein.
(1)PM Ridker. N Engl J Med 2 017 ; 377 : 1119-1131 DOI : 10.1 056/NEJMoa1707914
Pour en savoir plus : https://presse.inserm.fr/prix-inserm-2018-la-recherche-pour-la-sante-a-…
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