Dans l'infection par le VIH, les rares patients dits contrôleurs, en raison de leur capacité à contrôler spontanément le virus et à éviter l'infection en l'absence de tout traitement, sont les détenteurs de précieuses clefs pour faire avancer la recherche.
C'est en étudiant la quinzaine de patients contrôleurs de la cohorte ANRS (CODEX CO21) que des chercheurs de l'Institut Pasteur en collaboration avec l'université Monash (Victoria, Australie) ont réussi à mettre en évidence un rôle jusque-là inconnu des cellules T CD4.
Dans « Science Immunology », l'équipe coordonnée par les australiennes Stephanie Gras et Jamie Rossjohn et la française Lisa Chakrabarti montrent que les CD4 ne sont pas que des cellules aidantes. Les CD4 peuvent devenir des « cellules tueuses » pour les cellules présentatrices de l'antigène (CPA) infectées (cellules dendritiques, macrophages), les molécules HLA de classe II de ces dernières leur présentant un antigène viral, le Gag293.
Des TCR « publics » chez les contrôleurs
Pourquoi les CD4 des contrôleurs ont-ils une réponse agressive et pas ceux des patients « classiques » ? « Les contrôleurs présentent des récepteurs T, des TCR, très particuliers sur les CD4, explique Lisa Chakrabarti. Alors qu'il existe une très grande diversité de TCR pour se défendre contre les pathogènes - plus de 20 millions chez un même individu - et que la probabilité que deux individus non apparentés présentent un répertoire commun est infime, on a remarqué il y a 2 ans que certains TCR étaient préférentiellement exprimés par les contrôleurs. C'est très étonnant. »
Dans cette nouvelle publication, les chercheurs franchissent une étape supplémentaire : ces TCR dits « publics » (c'est-à-dire partagés par au moins 2 individus d'origine génétique différente) ont la capacité de se lier avec une très forte affinité à au moins 5 HLA de classe II différentes. « Premier point, la liaison de très forte affinité fait toute la différence, explique Lisa Chakrabarti. C'est ce qui va déclencher la réponse cytotoxique. Deuxième point, le TCR peut reconnaître l'antigène viral Gag293 qui peut être présenté par cinq molécules HLA classe II différentes. »
Tout le travail de l'équipe australienne a été de comprendre dans le détail, à l'aide d'un microscope géant, la structure cristalline du complexe TCR + Gag293 couplé à un HLA classe II. Avec 5 HLA de classe II impliquées, il existe 5 complexes et l'équipe en a décrit 3.
Transfert de TCR pour soigner
La présentation possible par 5 HLA classe II différentes suggère qu'environ un tiers des patients peuvent être traités par transfert de TCR. « Le principe ressemble à celui des CAR T cells, poursuit la chercheuse parisienne. C'est une thérapie cellulaire qui consiste à prélever les lymphocytes CD4 du patient, dans lesquels est introduit le TCR à l'aide d'un vecteur. Puis les cellules sont réinjectées au patient ».
À quels patients serait destiné le transfert de TCR ? « Dans l'idéal, le transfert de TCR pourrait permettre d'arrêter les antirétroviraux si la réponse est assez forte, projette Lisa Chakrabarti. Un objectif intermédiaire est de viser les patients, dont les CD4 restent ≤ 300. À long terme, ces patients présentent un vieillissement accéléré, par exemple cardiovasculaire ou des os. L'immunothérapie pourrait limiter la réplication résiduelle et la réponse inflammatoire chronique ». Des essais précliniques sont en cours chez la souris.
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