Le prix Nobel de médecine a été attribué conjointement lundi à William Campbell, né en Irlande, au Japonais Satoshi Omura et à la Chinoise Youyou Tu. Les deux premiers sont à l’origine de la découverte de l’avermectine - d’où est dérivée l’ivermectine - qui a permis de réduire l’incidence de maladies parasitaires comme l’onchocercose (cécité des rivières) ou la filariose lymphatique. La troisième lauréate, Youyou Tu, professeur à l’Académie de médecine chinoise traditionnelle se voit récompensée pour sa découverte de l’artémisinine, aujourd’hui traitement de référence du paludisme.
Les lauréats cette année « ont développé des thérapies qui ont révolutionné le traitement de certaines des maladies parasitaires les plus dévastatrices », a souligné le comité Nobel de l’Institut Karolinska. Selon le jury, il s’agit de deux découvertes qui « ont révolutionné » le traitement de centaines de millions de patients.
Les helminthes touchent un tiers de la population mondiale particulièrement en Afrique subsaharienne, en Asie centrale et du sud, et en Amérique du sud. Plus 3,4 milliards de personnes dans le monde sont exposées au paludisme.
Une découverte collective
Satoshi Omura, 80 ans, est microbiologiste spécialiste des Streptomyces – des bactéries saprophytes non pathogènes de l’ordre des Actinomycètes, qui vivent dans les couches superficielles du sol et qui présentent l’intérêt de produire de nombreuses molécules activités bactéricides. Grâce à la mise au point d’une méthide unique de culture à grande échelle, il a pu identifier plus d’un millier de souches parmi lesquels il en a sélectionné une cinquantaine qu’il estimait être à fort potentiel thérapeutique. Streptomyces avermitilis, productrice d’avermectine, est l’une des 50 souches sélectionnées.
C’est là qu’intervient William C. Campbell, 85 ans, parasitologue à l’Institut Merck pour la recherche thérapeutique aux États-Unis. Étudiant la souche isolée par Satoshi Omura, il montre qu’une des molécules produites par cette bactérie est particulièrement efficace contre les parasitoses chez l’animal. Ce sera l’avermectine qui sera plus tard modifiée en un composé encore plus efficace, l’ivermectine qui sera testée puis utilisée chez l’homme.
Un ancien prix Lasker
La découverte de Youyou Tu, 84 ans, est le résultat d’un projet lancé à la fin des années 1960 par le gouvernement chinois. Ses travaux ont déjà été récompensés en 2011 par le prix Lasker, considéré comme l’antichambre des prix Nobel. Pour lutter contre la résistance du plasmodium à la chloroquine et à la quinine, les traitements traditionnels du paludisme dans les années 1960, elle se tourne vers les remèdes de la médecine populaire chinoise. En combinant les textes médicaux anciens chinois et les remèdes populaires, l’équipe du Dr Tu a collecté plus de 2 000 « remèdes » potentiels à partir desquels son équipe a fabriqué 380 extraits de plantes. Un de ces extraits, qui provient de l’absinthe (Artemisia absinthium), s’est montré prometteur chez des souris. S’inspirant d’un ancien document, le Dr Tu modifie le processus d’extraction de rendre plus efficace avant d’isoler, au début des années 1970, l’ingrédient actif, l’artémisinine. Les combinaisons à base d’artémisinine sont aujourd’hui le traitement de référence du paludisme.
Un choix « génial »
« Ce Nobel est très important car le domaine de la parasitologie est un domaine qui est très souvent sous estimé », a réagi le Pr Christian Bréchot, directeur général de l’Institut Pasteur. « C’est un message très fort en direction des pays du Sud pour des pathologies touchant des millions de personnes », a estimé pour sa part, le Pr Sophie Matheron, service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Bichat, à Paris (AP-HP). Le Pr Olivier Bouchaud, chef de service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Avicenne, à Bobigny (AP-HP) y vit un signe encourageant : « Ces deux molécules ont transformé la prise en charge des maladies tropicales. Aujourd’hui, on est à deux doigts de l’éradication du paludisme dans certains pays, ce n’est pas le moment de relâcher la recherche », indique-t-il.
Le fait que le prix Nobel « soit attribué à des parasitologues qui ont consacré leur carrière à la recherche de traitements pour des maladies affectant des populations pauvres dans des pays à moyens et faibles revenus montre que la Recherche & Développement peut apporter des solutions concrètes à des problèmes de santé public », souligne le Dr Bernard Pecoul, directeur exécutif de l’Initiative en faveur des médicaments pour les maladies négligées (DNDi ou Drugs for Neglected Diseases initiative).
L’ancien directeur de la campagne de Médecins sans frontières pour l’accès aux médicaments essentiels regrettent cependant que les exemples primés représentent une « exception et non une règle ». À MSF, le Dr Brigitte Vasset estime pour sa part que ce choix, concernant « des patients qu’habituellement on oublie beaucoup », est « génial ».
Les Lauréats 2015 succèdent aux Norvégiens May-Britt et Edvard Moser et à l’Américano-britannique John O’Keefe pour leurs recherches sur le « GPS interne » du cerveauvont. Ils vont se partager 8 millions de couronnes suédoises (environ 855 000 euros).
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce