IL N’EXISTE PAS de données globales sur l’ensemble des jeunes patients VIH +, qui, comme le rappelle le Dr Dollfus, sont soit des enfants contaminés par voie materno-ftale, soit des jeunes patients contaminés pendant la petite enfance, soit des adolescents infectés par voie sexuelle. Les seules informations précises sur leur état de santé et les modalités de leur prise en charge émanent de la cohorte française qui a inclus, depuis 1986, les enfants de mère séropositive ayant accouché dans 90 maternités réparties sur l’ensemble du territoire. Ce sont ainsi plus de 14 000 enfants qui ont été suivis, parmi lesquels 621 ont été infectés, dont 348 avant 1994, c’est-à-dire avant la mise en uvre de la prévention de la contamination materno-ftale par AZT, et qui sont aujourd’hui des adolescents ou de jeunes adultes.
Deux cent dix sont régulièrement suivis, dont 88 ont plus de 18 ans. La moitié d’entre eux ont perdu leur mère. Lorsqu’elle est vivante, la grande majorité de ces adolescents vivent avec elle. Soixante-sept pour cent poursuivent un cursus scolaire normal, 15 % présentent un retard scolaire, 13 % suivent un enseignement professionnel, 3 % sont dans un établissement spécialisé, 2 % sont déscolarisés.
Tous ces enfants sont nés avant 1994, rappelle le Dr Dollfus, ce qui explique que dans 90 % des cas leur premier traitement a été l’AZT en monothérapie. Quarante pour cent ont été traités avant l’âge de 1 an, 50 % entre 1 et 4 ans, 8 % entre 5 et 9 ans, 2 % après 10 ans. L’âge médian de la mise en route d’une première trithérapie est de 7 ans et demi. Actuellement, 77 % sont sous multithérapie, quelques-unes sont encore sous bithérapie et 18 % ne sont pas traités, parmi lesquels 25 ont été traités et ont arrêté leur traitement et 4 n’ont jamais été traités.
Une longue histoire avec le virus.
Soixante-quinze pour cent des jeunes de moins de 13 ans ont plus de 500 CD4, contre seulement 48 % des plus de 15 ans ; 43 % ont une charge virale indétectable (la moitié des filles, mais seulement un tiers des garçons). Conséquence d’une « longue histoire avec le virus, des traitements et des stratégies suboptimales, ainsi que des problèmes d’observance accrus à l’adolescence », 82 % sont résistants à au moins un antirétroviral (ARV), 32 % à au moins un ARV de deux classes différentes et 27 % à un ARV de trois classes, selon les résultats d’une étude réalisée à Necker (C. Delaugerre). Le risque de résistance augmente au-delà de 11 ans, surtout chez les garçons (RR = 7)
Cliniquement, leur croissance staturo-pondérale est normale pour l’âge, 19 % ont déjà présenté au moins un événement classant sida. Les complications lipodystrophiques sont moins fréquentes que chez les adultes.
Une enquête portant sur 224 enfants et adolescents, âgés de 10 mois à 20 ans, suivis dans 4 pays européens (Italie, Allemagne, Suède et Espagne) montre que l’observance « parfaite » diminue avec l’âge ; elle est de 90 % chez les moins de 6 ans, de 80 % chez les 6-9 ans, de 65 % chez les 10-14 ans et elle chute à 50 % chez les plus de 15 ans. Parmi ceux-ci, 20 % prennent moins de la moitié du traitement prescrit. Selon une étude menée à Paris, à l’hôpital Trousseau (N. Trocmé), l’observance des adolescents est très imparfaite, puisque la moitié d’entre eux signalent des oublis ou des « non prises », dont la majorité sont des oublis volontaires… Pourtant, ces jeunes ont de bonnes connaissances sur l’infection et sur les traitements, même s’ils expriment des doutes sur leur intérêt en l’absence de perspective de guérison, et ils sont conscients des risques liés à une mauvaise observance. En revanche, ils ne connaissent pas bien, pour ce qui les concerne, les indicateurs de suivi que sont le taux de CD4 et la charge virale. Ils ressentent les contraintes d’un traitement chronique, qui, en plus d’éventuels effets indésirables, ne procure aucun bénéfice directement perceptible. Les adolescents se trouvent également confrontés au problème du secret, souvent un secret familial lourd d’implications, de deuils et de non dits.
Contraception et fertilité.
Se pose maintenant la question de la contraception et de la fertilité chez les jeunes femmes. Le début de la vie sexuelle est souvent retardé chez ces patientes, certaines ont beaucoup de difficultés à utiliser le préservatif, et la contraception orale pose le problème des interactions avec les antiprotéases. Une prise en charge gynécologique est donc absolument nécessaire chez ces adolescentes, qui parfois « passent à l’acte » pour avoir la preuve de leur fertilité.
À Trousseau, huit des jeunes femmes VIH + suivies depuis l’enfance ont donné naissance à 9 enfants. Aucun n’est contaminé. Six de ces jeunes femmes avaient eu une ou plusieurs interruptions volontaires de grossesse.
D’après la présentation du Dr Catherine Dollfus (hôpital Trousseau, Paris) dans le cadre du colloque « Adolescence et VIH », organisé par le COREVIH Ile-de-France centre.
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