Souvent banalisée, la violence faite aux femmes est loin d’être marginale. Les agressions sexuelles, notamment, restent fréquentes. En 2017, 94 000 femmes majeures déclaraient avoir été victimes de viol ou de tentative de viol. Parmi celles-ci, 65 000 avaient subi au moins un viol. Or, près de la moitié des victimes n’entreprennent aucune démarche, environ un tiers consulte un médecin ou un psychologue. Et moins de 20 % se rendent à la police, à la gendarmerie ou aux services sociaux. Dans la droite ligne des recommandations de la Haute Autorité de santé publiées début octobre, « il faut encourager les professionnels de santé à dépister la violence quelle qu’elle soit. Car elle est souvent inavouée », rappelle le Dr Romain Hellmann, urgentiste à l’hôpital Bichat, à Paris.
Des obstacles majeurs
Aux urgences, rares sont les patientes qui racontent spontanément l’origine des agressions qu’elles ont subies. « Elles nous disent souvent qu’elles se sont cognées, qu’elles sont tombées dans les escaliers… Elles ont peur de se confier et de porter plainte. Dans ces conditions, seul un professionnel de santé sensibilisé au repérage de la violence peut en suspecter une, faîte par un proche. Malheureusement, aux urgences, la cause réelle de l’agression passe souvent inaperçue », regrette le Dr Hellmann.
Deux cas de figure s’offrent aux soignants des urgences : la patiente peut arriver avec les forces de police, sur réquisition. Dans ce cas, sa prise en charge est fluide et bien fléchée : « après avoir été examinée à l’hôpital, elle est accompagnée par la police vers une unité médicojudiciaire. Mais dans la plupart des cas, la victime vient spontanément et seule, aux urgences », confie le Dr Hellmann. Dans certains cas, c’est un véritable parcours du combattant qui commence. Pour faire valoir ses droits, outre le diagnostic initial établi aux urgences hospitalières, la victime devra porter plainte auprès de la police, puis trouver une unité médicojudiciaire où les violences subies seront expertisées par un médecin légiste. « Il s’agit de trois unités de temps et de lieux qui compliquent sa prise en charge. Dans certains territoires sous-dotés, jusqu’à 100 km peuvent séparer les unités médicojudiciaires du poste de police ou des urgences les plus proches », note le Dr Hellmann.
Bons réflexes
Pour pallier cette situation, la Société française de médecine d’urgence s’est alliée à d’autres sociétés savantes, ainsi qu’à la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), à des médecins, paramédicaux, sages-femmes, avocats… Afin de proposer, selon les différents avis d’experts, des recommandations de bonne pratique de prise en charge des agressions sexuelles dans le cadre des urgences hospitalières, mais aussi des Services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et des SAMU-centre 15.
Cet ouvrage en cours de finalisation, devrait être disponible dans le courant de l’année prochaine. Il comprendra notamment des fiches « réflexe » pour aider les soignants à prendre en charge les victimes de façon efficiente (Comment examiner une victime ? Comment échanger avec elle ? Comment organiser le parcours de soins pour l’orienter rapidement vers les services médicojudiciaires ?...). L’ouvrage donnera également des conseils sur un problème majeur qui se pose aux médecins urgentistes : celui des prélèvements à visée judiciaire après un viol, par exemple. « Dans le cadre de notre groupe de travail, nous recommandons que ces prélèvements soient réalisés exclusivement par des médecins légistes car les urgentistes ne sont pas formés à ce type d’examen et de prélèvements. Et compte tenu de leur charge de travail, il serait illusoire de penser qu’ils pourront tous se former à cet acte. Un mauvais prélèvement peut faire échouer la démarche judiciaire », conclut le Dr Hellmann.
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