Apaiser la prise en charge de l’infertilité

L’hypnose par réalité virtuelle au chevet de la PMA

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Publié le 28/10/2019
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L’hôpital Saint-Luc (Belgique) a intégré il y a deux ans l’hypnose par réalité virtuelle à son parcours de procréation médicalement assistée (PMA). Si les effets de l’hypnose sur le stress et la douleur sont prouvés et remarquables, l’équipe belge mène une étude pour mesurer son impact final sur le taux de grossesse.

L'hypnose est dispensée grâce à un casque de réalité virtuelle, juste avant l'opération

L'hypnose est dispensée grâce à un casque de réalité virtuelle, juste avant l'opération
Crédit photo : Benjamin Leclercq

La plongée dure une vingtaine de minutes. Dans une eau bleue et limpide, un paysage sous-marin se déploie, paisible. Une baleine passe, ses battements de queue doux et répétitifs invitent à l’apaisement… Nous ne sommes pas à bord du Nautilus mais bien dans un service de PMA, celui des Cliniques universitaires Saint-Luc (1 200 cycles de FIV chaque année), à Bruxelles. Ici, avant une ponction d’ovocyte ou une insémination intra-utérine, les patientes peuvent bénéficier de cette hypnose guidée, via un casque de réalité virtuelle.

La première des vertus de l’état modifié de conscience (EMC) n’est pas des moindres : l’hypnose réduit douleur et stress, deux maux dont n’est pas exempt, loin s’en faut, le parcours de PMA. « L’hypnose, c’est prouvé, est analgésique et anxiolytique », rappelle le Pr Fabienne Roelants, anesthésiste du service.

Réduction du stress

Le recours à l’hypnose prend des formes diverses selon les étapes du parcours. « L’hypnose conversationnelle (ou informelle) nous sert lors d’actes a priori non douloureux mais générateurs d’anxiété pour certaines patientes, en fonction de leur sensibilité ou de leur histoire personnelle. Je l’utilise par exemple en consultation pour des femmes qui ont des antécédents de vaginisme », explique la gynécologue Céline Pirard. Quant à l’hypnose formelle, elle prévient stress et douleur au bloc, lors des ponctions d’ovocytes en particulier. En dispensant ou réduisant la prise d’analgésiques chimiques, elle permet une meilleure récupération postopératoire.

Participation active

L’hypnose a une autre vertu, l'implication la patiente. « L’hypnose induit une participation. La patiente devient actrice de son traitement, elle retrouve une place. Cette possibilité d’un choix et cette posture participative ne sont pas anodines dans un parcours de PMA au cours duquel les femmes se sentent souvent passives et dépossédées de leur corps », souligne Fabienne Roelants.

À Saint-Luc, les soignants n’ont pas attendu l’arrivée du casque de réalité virtuelle pour pratiquer l’hypnose, au bloc comme en consultation. Les anesthésistes s’y forment depuis 2006 et les infirmières depuis 2011. Dans le service de PMA, tout le monde a suivi le module de 4 semaines. Le casque n’est d’ailleurs pas systématique. Il n’est pas rare qu’une infirmière se charge de mener la séance d’hypnose, lors d’une opération. Alors, effet secondaire opportun, l’hypnose fait aussi du bien… aux soignants. « Entendre se dérouler la séance d’hypnose agit indirectement sur notre propre stress. Personnellement, j’aime beaucoup les moments d’hypnose au bloc. Je sens le calme gagner l’ensemble de l’équipe », témoigne le Pr Céline Pirard. Reste qu’une telle pratique nécessite la mobilisation d’un soignant exclusivement dédié à l’hypnose, d’où le recours, depuis deux ans, au casque de réalité virtuelle.

Plus de grossesses avec l’hypnose ?

Et si, en plus d’apaiser la prise en charge, l’hypnose facilitait les grossesses ? Les médecins de Saint-Luc restent prudentes : « Nous le suspectons fortement, certes, mais en l’état nous ne pouvons pas l’affirmer », dit le Pr Pirard. Si les études sont rares, la plus saillante est, cependant, sans ambiguïté. Publiée en 2006 par une équipe israélienne du Soroka Medical Center, elle a testé l’effet de l’hypnose lors du transfert d’embryons. Ses conclusions sont positives : sous hypnose, le taux d’implantation des embryons progresse (de 14,4 à 28 %), tout comme le taux de grossesse par patiente (de 30,2 à 58,4 %). « Les observations principales sont que l’hypnose atténue les contractions utérines et qu’elle a un effet sur l’immunité de la patiente ».

L’équipe de PMA de Saint-Luc, pour en avoir le cœur net, a décidé de mener sa propre étude, randomisée en double aveugle. Les patientes sont réparties en deux groupes : l’un exposé à une réalité virtuelle de simple « distraction », et l’autre à une réalité virtuelle avec hypnose. Si les données sont encore insuffisantes (100 patientes analysées sur un objectif de 600) pour tirer des conclusions, les résultats intermédiaires sont encourageants : le taux de taux de grossesse biologique atteint 45,7 % chez les patientes du groupe hypnose, contre 20,8 % chez les patientes du groupe distraction.

Benjamin Leclercq

Source : Le Quotidien du médecin