À la veille de la Journée mondiale du rein qui se tient le 12 mars, la Fondation du rein attribue prix et bourses de recherche. Son président, le Pr Christian Combe (chef du service de néphrologie-transplantation-dialyse-aphérèses du CHU de Bordeaux), revient sur l'actualité chargée de la maladie rénale chronique, entre espoirs suscités par le nouveau forfait et vision critique du sombre constat de la Cour des comptes.
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Dans son rapport annuel de la fin février, la Cour des comptes s'est montrée très critique vis-à-vis de la trop faible part de malades greffés. Partagez-vous ce constat ?
Seulement 45 % des patients pris en charge pour une insuffisance rénale terminale sont greffés en France, mais le rapport de la Cour des comptes expose une vision partielle de la situation. Les auteurs ont comparé la France à la Norvège, où 70 % des patients insuffisants rénaux sont greffés, mais ils n'ont pas pris en compte la faible prise en charge de l'insuffisance rénale dans son ensemble.
En effet, la part de patients greffés en Norvège est forte, car le recours à la dialyse y est plus faible. Selon le registre européen des dialysés et transplantés, l'incidence globale de l’insuffisance rénale terminale est de 173 par million d'habitants en France contre 119,1 au Royaume-Uni et 110,7 en Norvège alors que les chiffres de prévalence de la transplantation sont les mêmes qu'en France, à 15 % près. La proportion plus importante des greffés par rapport aux dialysés est liée au fait que des patients, notamment les plus âgés, n’ont pas accès à la dialyse, traitement vital.
Pensez-vous que l'adoption du paiement forfaitaire* pour l'insuffisance rénale chronique entré en vigueur en octobre dernier est de nature à améliorer la réalité clinique des malades ?
Je me suis battu pour que ces forfaits MCR 4 et 5 ne soient pas nommés « forfaits de présuppléance », car l'aggravation de la pathologie jusqu'au recours à un traitement de suppléance n'est pas inéluctable. Avec ces forfaits, on doit pouvoir retarder, voire éviter la dialyse, tout en préparant son éventualité, et en ayant pour priorité la greffe rénale. C'est un équilibre difficile à trouver.
Jusqu'à présent, le suivi des patients était assuré par un néphrologue en consultation. Le forfait permet de financer au moins une consultation par an chez le néphrologue et deux séances annuelles chez un paramédical : infirmière, diététicien, assistante sociale, etc. C'est crucial, car une prise en charge globale est nécessaire. Par exemple, les recommandations internationales qui vont bientôt être publiées insistent sur l'importance d'un apport restreint en protéines pour retarder la progression de la maladie rénale chronique. Jusque-là, il n’était pas possible de facturer à l’assurance-maladie les prestations des personnels paramédicaux dont l’intervention est pourtant indispensable.
Concernant la pénurie de greffons rénaux, quelles solutions peuvent être mises en place ?
Le problème de la pénurie est lié à différents facteurs, dont l'extension des indications de la transplantation. Au moins trois sujets peuvent néanmoins être discutés : les dons de sujets en état de mort cérébrale, les donneurs vivants et les Maastricht 3 (dons de personnes pour lesquelles une décision d’arrêt de soins thérapeutiques a été prise).
Il y a moins de prélèvements à partir de patients en état de mort cérébrale qu'avant, car il y a moins d'accidents de la route et un peu moins d'AVC qu'avant. Il existe une grande variabilité d'une région à l'autre. La Cour des comptes suggère de supprimer le concept du « rein local » qui veut que l'on garde un des deux reins pour greffer un patient dans la région où l'organe a été prélevé. Je ne suis pas favorable à cette idée, car je pense que cela fait partie de la motivation d'une équipe à aller chercher des reins.
Je suis dans une région exportatrice de reins (35 prélèvements par an et million d'habitants contre 20 en région parisienne). Il est certain qu'il y a un clivage entre les médecins des régions comme la mienne et ceux des équipes des régions qui prélèvent peu et qui voudraient que le rein local disparaisse.
Sur le donneur vivant, il faut discuter des mois ou des années avant avec le donneur potentiel. J'espère qu'avec le forfait, ce travail sera reconnu.
Enfin, pour ce qui est de Maastricht 3, il y a un manque de centres spécialisés capables de réaliser ce genre de prélèvement.
* 375 euros par an pour un patient stade III, et 575 euros pour un stade IV pris en charge à l'hôpital, et respectivement 270 euros et 370 euros en clinique privée. L’écart entre les montants public et privé du forfait s’explique notamment par le fait que le tarif public comprend le montant des consultations néphrologiques.
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