La justice reconnaît pour la première fois ce 2 juillet la responsabilité de l'État dans l'affaire de la Dépakine en ce qu'il a manqué à ses obligations de contrôle et d'information. Le tribunal administratif de Montreuil le condamne à indemniser trois familles dont les enfants sont lourdement handicapés après avoir été exposés in utero à cet anti-épileptique.
L'État a été condamné à indemniser chaque famille à des montants de 200 000 euros, 290 000 euros et 20 000 euros, en fonction de la date de naissance des cinq enfants concernés, âgés aujourd'hui de 11 à 35 ans.
« En fonction de la date des grossesses en cause (de 1981 à 2008), l’État a manqué à ses obligations de contrôle en ne prenant pas les mesures adaptées et a engagé sa responsabilité », lit-on dans le communiqué du tribunal.
Pour apprécier l'existence d'une faute de l'État dans ces trois dossiers, le tribunal a examiné l'état des connaissances médicales sur le lien entre le valproate de sodium, commercialisé depuis 1967, et les malformations ou troubles neuro-développementaux chez des enfants exposés in utero, en fonction de la date des grossesses. « En 1981, il n’existait pas d’étude suffisante pour établir un tel lien. En 1984 et 1985, seuls les risques de malformations étaient suffisamment documentés pour alerter la vigilance des autorités sanitaires. En revanche, concernant les grossesses intervenues entre 2005 et 2008, les deux risques - malformations et troubles neuro-développementaux - étaient suffisamment connus », résume-t-il.
Responsabilité des médecins et de Sanofi
Dans un second temps, le tribunal a examiné si l'information sur les risques était suffisante, à la fois dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) destiné aux praticiens, et dans les notices elles-mêmes à destination des patients.
Si le tribunal considère que l’État a manqué à ses obligations de contrôle en ne prenant pas les mesures adaptées, il reconnaît également des responsabilités de la part du producteur du médicament, Sanofi, chargé d’élaborer le résumé et la notice et du médecin prescripteur.
Dans un dossier, le tribunal note qu'aucun des médecins ayant suivi une femme lors de son parcours de procréation médicament assistée puis lors de sa grossesse ne justifie avoir informé l’intéressée des risques mentionnés dans le RCP de 2006, ni avoir envisagé une adaptation de son traitement. Les doses administrées durant la grossesse ont en outre été largement supérieures au seuil de 1 000 mg par jour au-delà duquel les risques de malformations du fœtus étaient signalés comme étant accrus. « Dans ces conditions, les fautes commises par les médecins sont de nature à décharger l’État de sa responsabilité à hauteur de 60 % », lit-on.
Dans ce même dossier, le tribunal considère que Sanofi-Aventis France a commis une faute de nature à exonérer la responsabilité de l’État à hauteur de 20 % en ne sollicitant pas une modification de la notice pour l'aligner aux mentions du RCP, afin que les patientes connaissent les risques encourus en cas de poursuite du traitement durant une grossesse.
Appel des trois familles
L'avocat des familles, Charles Joseph-Oudin, a salué de « bonnes décisions », mais les requérants vont « faire appel dans les trois dossiers ».
En cause : le cas d'un enfant né en 1985. La justice estime que « seuls les risques de malformations étaient suffisamment documentés pour alerter la vigilance des autorités sanitaires » mais que les risques quant à l'apparition de troubles neuro-développementaux tel l'autisme n'étaient pas suffisamment connus à l'époque.
« Je suis en colère car 80 % des enfants nés avant 2004 et présentant un trouble du spectre autistique sont exclus des indemnités », a réagi Marine Martin, présidente et fondatrice de l'Apesac (association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant), assurant que les premiers cas du trouble ont été signalés dès 1984.
Traitement de référence pour l'épilepsie, également prescrit pour les troubles bipolaires, le valproate de sodium présente des effets tératogènes et fœtotoxiques lors d'une grossesse : l'enfant présenterait un risque élevé de l'ordre de 10 % pour les malformations congénitales, ainsi qu'un risque accru d'autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu'à 40 % des enfants exposés.
Pour rappel, les juges du Parquet de Paris ont mis en examen en février dernier Sanofi en examen en février pour « tromperie aggravée et blessures involontaires », tandis qu'une vingtaine de procédures sont aussi en cours au tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). Sans oublier les 500 dossiers de victimes directes déposés à l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux), qui a déjà proposé un total de 6,5 millions d'euros d'indemnisation.
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