Une première dans un dossier judiciaire individuel : le groupe français Sanofi a été condamné par le tribunal judiciaire de Nanterre à indemniser, à hauteur de 450 000 euros, une famille dont la fille, exposée à la Dépakine in utero, est née en 2005 avec des malformations.
Le tribunal a estimé que le risque de troubles autistiques en lien avec la Dépakine était connu du laboratoire, au moins en 2005, et qu'en conséquence cela devait être mentionné dans la notice, selon le jugement consulté ce 14 mai par l'AFP.
Le groupe pharmaceutique, assurant avoir alerté dès 2003 les autorités sanitaires qui contrôlent ces notices, a fait appel de cette décision.
Naissance en 2005, des risques connus avant
La mère, suivie pour des crises d'épilepsie, recourait à ce médicament depuis 1982. En 2004, au cours de sa grossesse, elle prenait quatre comprimés par jour.
À l'âge de sept mois, sa fille a été hospitalisée pour une bronchiolite. Il a alors été noté un « retard d'acquisitions global ». Des retards de développement psychomoteurs ont été ensuite observés durant toute son enfance. En 2014, ses parents ont assigné Sanofi devant la justice.
Utilisé depuis 1967 dans le traitement de l'épilepsie et des troubles bipolaires, le valproate de sodium (principe actif de la Dépakine) augmente le risque de malformations physiques (absence de fermeture de la colonne vertébrale, anomalies cardiovasculaires…) et de troubles neurodéveloppementaux (retard de langage, troubles du spectre de l'autisme…) chez les enfants exposés dans le ventre de leur mère.
Selon le jugement, Sanofi a reconnu avoir eu connaissance dès 2003 des risques en particulier neurodéveloppementaux, et il avait donc dès lors le devoir d'informer plus clairement les patients. Dès cette année-là, le groupe « a estimé que ces signaux justifiaient de demander à l'Autorité de santé d'ajouter dans la rubrique Grossesse et Allaitement la mention de ces risques », est-il rapporté dans la décision.
Des modifications jugées insuffisantes
Mais ces propositions de modification sont « incomplètes et insuffisantes », selon la famille, jugeant que la formule préconisée par le laboratoire en 2003 « Prévenez votre médecin en cas de grossesse ou de désir de grossesse » ne peut « absolument pas constituer une information des patientes sur les risques liés à une grossesse ».
C'est seulement en 2006 que la notice déconseillera clairement la Dépakine pendant la grossesse et préconisera la consultation rapide d'un médecin en ce cas, précise la décision.
À la date de la grossesse, en 2004, « il résulte que la Dépakine ne présentait pas la sécurité à laquelle la mère pouvait légitimement s'attendre », estime la décision.
Selon Sanofi, le tribunal a relevé que le laboratoire avait « bien saisi l'Autorité de santé de plusieurs demandes de modification des documents d'information, y compris de la notice patient », a indiqué samedi le groupe dans sa réaction transmise à l'AFP. « Cependant, le tribunal n'a pas tiré les conséquences vis-à-vis du laboratoire des refus de l'Autorité de santé de l'époque de prendre en compte les modifications demandées », regrette le groupe. Son assureur, Allianz Global Corporate, a été également condamné à indemniser la famille.
« Un tournant » dans les procédures
« Cette décision de condamnation du laboratoire marque un tournant pour la reconnaissance individuelle de chacun des enfants exposés à la Dépakine », a réagi auprès de l'AFP l'avocat de la famille, Me Charles Joseph-Oudin. L'association de victimes l'Apesac a salué « une belle victoire », tout en regrettant l'appel formulé par le laboratoire.
À Nanterre, ce dossier est le premier d'une longue série à être jugé au fond. En tout, le tribunal est saisi de 23 dossiers au civil dont un regroupant 272 demandeurs, selon une source judiciaire. Quatre autres affaires d'enfants nés en 1989, 2005 et 2006 seront jugées ce 19 mai.
Une action de groupe lancée en 2017 par l'association de victimes Apesac a par ailleurs été jugée recevable par le tribunal judiciaire de Paris, qui a estimé le 5 janvier que Sanofi avait « commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d'information ». « Le juge a précisé la date à partir de laquelle le laboratoire aurait dû indiquer ces risques dans la notice : dès 1984 pour les malformations, dès 2001 pour les troubles neurocomportementaux », rappelle l'Apesac. Le laboratoire a aussi fait appel.
Sanofi a parallèlement été mis en examen en 2020 pour « homicides involontaires » dans la partie pénale du dossier.
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