DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA SITUATION des plus précaires et leur rapport à l’alimentation préoccupent les autorités. Jean-Jacques Coiplet, directeur de la santé publique et environnementale de l’ARS-PACA, l’a rappelé en introduisant le colloque « Nutrition et précarité ». « On compte de 4 à 7 millions de pauvres en France, chiffres qui reflètent autant de situations particulières. » On parle désormais d’insécurité alimentaire. Cette notion « permet d’étudier la pauvreté sous un nouvel angle », explique Nicole Darmon, ingénieur de recherche à l’INSERM, docteur en nutrition et épidémiologiste. Car à côté de l’aspect quantitatif – « Je n’ai pas assez à manger » –, il y a l’aspect qualitatif – « J’ai assez à manger mais pas ce que j’aimerai pour des raisons financières. »
En PACA, l’insécurité alimentaire est supérieure, de manière significative, à la moyenne nationale. Le dernier Baromètre Santé-Nutrition a révélé des chiffres alarmants. Dans la région, ce sont 3,1 % des habitants qui déclarent ne pas toujours avoir assez à manger et 42 % sur le plan qualitatif. « Il existe une tranche de la population qui vit avec 2,60 euros par jour et 3 millions de foyers qui bénéficient de l’aide alimentaire, mais beaucoup échappent aux enquêtes », indique Zeina Mansour, directrice du CRES-PACA. Et de citer des cas de personnes confrontées à des difficultés majeures.
« On constate une persistance des inégalités sociales en matière de nutrition, confirme Jean-Jacques Coiplet, avec des conséquences sanitaires importantes, l’obésité et le surpoids, mais aussi des difficultés psychologiques, avec une faible estime de soi, et des freins à l’insertion. » Les épidémiologistes ont montré depuis longtemps les liens entre l’état de santé et le statut socio-économique. « Les inégalités ont un impact sur la mortalité prématurée et pour toutes les causes de décès. C’est toujours visible, malgré une baisse globale de la mortalité, assure Nicole Darmon. Ceci est dû à de très fortes inégalités chez les personnes sans emploi, ceux qui ont un emploi sont plus épargnés. »
Tous les facteurs d’obésité.
En témoignent également des indicateurs touchant l’obésité et le diabète. La France se situe parmi les pays européens où les inégalités sont les plus fortes comme le montrent les chiffres de l’enquête ObÉpi (enquête épidémiologique nationale sur l’obésité et le surpoids réalisée tous les trois ans à l’initiative de Roche). « La différence est nette en fonction du revenu. Il y a 6 % d’obèses chez les personnes ayant plus de 5 300 euros de revenus mensuels, alors qu’il y en a 22 % chez ceux qui n’en ont que 900. » Et chez les enfants, plus les différences socio-économiques sont fortes, plus elles vont avoir des conséquences pour la santé. « Un enfant né dans une famille pauvre va accumuler tous les facteurs connus d’obésité : l’obésité des parents, l’exposition au tabac in utero, un petit poids de naissance, l’introduction prématurée du lait de vache. Puis, devenu adolescent ou adulte, il cumule encore : des portions trop grandes, pas assez de fruits et légumes et trop de boissons sucrées, une activité insuffisante, trop de télé. »
Il existe aussi de forts contrastes dans les choix alimentaires. Quand le revenu diminue, la proportion consacrée à l’alimentation atteint un quart des dépenses. Et les dépenses se répartissent différemment, avec une moindre consommation de fruits et légumes et de poisson. Les travaux de Nicole Darmon montrent que les personnes soumises à de très fortes contraintes budgétaires n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers une alimentation trop riche en énergie et faible en nutriments essentiels. « Et pour ceux dont le budget alimentaire se situe au-dessous du seuil critique de 3,50 euros par personne et par jour, l’éducation alimentaire ne suffit pas. » Jean-Jacques Coiplet rappelle l’appel à projets sur des actions innovantes en étant au plus près des personnes, et souligne la nécessité de coordonner ces actions et d’évaluer les précédentes.
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