« Les chiffres du prélèvement et de la greffe pour 2022 sont bons, c'est une bonne nouvelle d'autant que nous traversons une crise hospitalière profonde », a déclaré la nouvelle directrice générale de l'Agence de la biomédecine (ABM), Marine Jeantet, saluant l'engagement des professionnels de santé.
En 2022, 5 494 greffes ont été réalisées soit 218 de plus qu'en 2021 (+ 4,1 %). Une reprise significative et encourageante depuis l'inflexion de 2020 liée à la crise Covid, sans pour autant rejoindre les niveaux des 2019 (5 903 greffes). Encore 2 à 3 personnes décèdent chaque jour sur une liste d'attente qui compte 20 000 personnes. En 2022, 21 nouveaux patients étaient inscrits chaque jour, alors que seulement 15 autres étaient greffées, rappelle le Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint en charge de la politique médicale et scientifique de l’ABM.
Des greffes issues du vivant ou de Maastricht 3 en hausse
Dans le détail, ont été réalisées 3 376 greffes rénales (+ 124 par rapport à 2021), 1 294 greffes hépatiques (+ 69), 334 greffes pulmonaires (+ 18), 411 greffes cardiaques (+2), et 70 greffes pancréatiques (+3). Les greffes à partir de donneurs vivants progressent doucement : elles sont 533 en 2022 (+ 4 %), dont 511 pour le rein, soit 15 % de l'activité de greffes rénales. Encore une fois, des chiffres encourageants, même si en deçà des 525 greffes rénales issues de proches en 2019, malgré l'appel de l'ABM à proposer une telle option tôt dans l'insuffisance rénale.
De même, les prélèvements à partir de donneurs décédés des suites d’un arrêt cardiaque après une limitation ou un arrêt des thérapeutiques(LATA) selon la classification Maastricht III, ne cessent d'augmenter. En 2022, 619 greffes (versus 552 en 2021) ont été réalisées à partir de ce protocole lancé en 2015, soit 12,5 % des greffes issues de donneurs décédés. Il s'agit surtout que greffes rénales (406) et hépatiques (161), rarement de greffes pulmonaires (28) ou pancréatiques (6). À noter : le démarrage des greffes d'îlots pancréatiques, au nombre de 3 en 2022.
Néanmoins, le nombre de donneurs Maastricht III prélevés se situe dans les estimations basses du 4e plan Greffe 2022-2026 (contrairement à celui des donneurs en mort encéphalique, dans la fourchette haute des estimations). Ce qui s'explique par des contraintes techniques et un taux de refus particulièrement élevés dans le cas d'une LATA.
La diversification des sources de greffons est un enjeu important alors que le volume de donneurs décédés après une mort encéphalique de cause vasculaire (la majorité) a baissé de 23 % entre 2019 et 2022. Les prélèvements sur les patients en mort encéphalique ont toutefois augmenté de 4,8 % en 2022 par rapport à 2021, soit 1 459 donneurs décédés prélevés en mort encéphalique contre 1 392 l’an passé. En moyenne, les donneurs ont 57 ans ; mais 41 % d'entre eux ont plus de 65 ans, ce qui suppose d'évaluer les pathologies associées à l'âge.
Des taux d'opposition toujours élevés
Le taux d'opposition se stabilise aux alentours de 33 %, avec des variations régionales : il est fort (supérieur à 36 % ) en Île-de-France, Hauts-de-France, mais aussi Grand Est, PACA, Corse, et faible dans l'Ouest, notamment en Bretagne. En cause : l'âge de donneurs plus élevé sur la façade atlantique, ce qui est souvent corrélé à des taux d'opposition plus bas que lorsque les donneurs sont jeunes, et un moindre impact de la crise sanitaire, explique le Pr François Kerbaul, directeur du prélèvement et de la greffe d'organes et de tissus à l'ABM, tout en soulignant que taux d'opposition élevé ne signifie pas systématiquement baisse du prélèvement.
Dans le cadre du 4e plan greffe, financé à hauteur de 220 millions d'euros, et alors que la tendance positive semble se confirmer en 2023 (avec 508 greffes en un mois), l'ABM entend concentrer les efforts sur la formation des équipes et établissements - notamment pour améliorer les greffes issus de donneurs vivants, qui supposent un accès facilité aux blocs opératoires. En outre, les recommandations de bonnes pratiques qui datent de 2009 devraient être revues.
L'ABM mise aussi sur une animation locale de l'activité de greffe, au niveau des agences régionales de santé dotées de référents. « Le pilotage se fera en temps réel, avec des mesures correctrices immédiates, le cas échéant. Il n'y aura pas un bilan annuel, mais un comité de suivi qui se réunira deux fois par an, la première réunion étant fixée le 4 avril », a précisé le Pr Tsimaratos.
L'ABM entend enfin renforcer sa communication pour diminuer le taux d'opposition. Si la majorité des Français connaissent bien la loi - 28 % connaissent la notion de consentement présumé, selon le baromètre 2023 de l'ABM* - et y adhèrent (à 80 %), seulement 47 % ont fait part de leurs positions à leurs proches, encore moins chez les 16-24 ans (45 %) et les plus de 65 ans (39 %). Si bien que les refus s'expriment souvent sur la base de fausses idées. « Nous allons communiquer avec le slogan : " ne laissez pas vos proches décider pour vous" », a indiqué le directeur de la communication David Heard.
*Enquête téléphonique réalisée du 4 au 16 janvier 2023, auprès d’un échantillon de 1 012 personnes représentatif de la population française de 16 ans et plus.
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