IVG : l'Assemblée nationale se penche pour la deuxième fois sur la question de l'allongement des délais

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Publié le 29/11/2021

Crédit photo : AFP

L'Assemblée nationale commence ce 29 novembre l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi (PPL) allongeant les délais d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) de 12 à 14 semaines de grossesse (16 semaines d'aménorrhée). Le texte, de plus, permet aux sages-femmes (dont la dimension médicale est réaffirmée) de pratiquer des IVG chirurgicales avant la dixième semaine de grossesse (12 semaines d'aménorrhée), et, sans supprimer la clause de conscience spécifique, oblige un médecin ou une sage-femme qui refuserait une IVG à réorienter la patiente vers des professionnels favorables.

L'examen de la PPL préparée par l'ex-LREM Albane Gaillot était presque inattendu après un parcours législatif chaotique. Si les députés l'ont adoptée une première fois en octobre 2020, après des heures de débats tumultueux, le Sénat a tout simplement refusé de la discuter en votant la motion de rejet en janvier 2021. Le mois suivant, les députés renonçaient à l'examiner en seconde lecture, eu égard au nombre d'amendements qui rendaient l'exercice impossible en un temps contraint.

L'exécutif est divisé. Le président de la République Emmanuel Macron s'est dit cet été défavorable à l'allongement des délais d'IVG et à la suppression de la clause de conscience. Christophe Castaner, président du groupe LREM de l'Assemblée, puis Olivier Véran, se sont en revanche prononcés en faveur de l'allongement des délais, après avoir joué la prudence. Lors des débats en première lecture, le ministre de la Santé s'en était remis à la « sagesse » des députés, disant attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique, qui lui, a considéré qu'il n'y avait pas d'obstacle éthique à un allongement des délais - tout en marquant son désaccord quant à la suppression de la clause de conscience, initialement prévu dans le texte.

Enjeu médical et...politique

Les débats promettent d'être encore vifs au sein de l'hémicycle qui a jusqu'à vendredi pour examiner ce texte et les 500 amendements déposés.

L'enjeu prend un tour politique, puisque le vote de la PPL pourrait être un moyen de marquer un point à gauche pour les LREM. « Christophe Castaner est un homme politique rodé qui sait envoyer des signaux. Politiquement, le texte est un outil qui peut être au service de la politique LREM et peut permettre parler à un électorat ayant besoin d'être rassuré : le centre gauche », décrypte l'écologiste Albane Gaillot. Qui prévient : « cela ne doit pas être qu'un outil marketing ! ». « La politique macroniste a deux jambes. Il faut que la gauche puisse avancer à son tour », défend la députée LREM Cécile Muschotti.

« Je ne fais pas les choses dans le dos du président de la République », glisse désormais Christophe Castaner, laissant entendre à toute la majorité que son initiative a la bénédiction tacite de l'Élysée.

La gynécologie divisée

Du côté du monde médical, les clivages traditionnels perdurent. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) rappelle son opposition à ce projet (partageant ainsi la position de l'Académie de médecine), en soulignant la complexité du geste d'IVG chirurgicale à 16 SA. « À 14 SA une aspiration du contenu utérin est encore possible. À 16 SA, il est nécessaire de dilater davantage le col utérin au risque de créer des lésions définitives, pouvant être responsables d’accouchements prématurés ultérieurs », explique le CNGOF dans un communiqué. Et de proposer plutôt d'augmenter les moyens des établissements de santé pour que le délai maximal de prise en charge soit de 5 jours à compter de la demande faite par une femme d’interrompre sa grossesse.

À front renversé, l'Association nationale des centres d'IVG et de contraception (ANCIC) soutient la réforme, en rappelant que la moitié des femmes demandant une IVG au-delà de 12 semaines de grossesse, a découvert sa grossesse en dehors des délais légaux. De nombreux médecins engagés dans les droits des femmes, comme les Drs Ghada Hatem, Gilles Lazimi ou Martin Winckler, ainsi que les organisations représentatives des sages-femmes, ont par ailleurs signé une tribune de soutien publiée ce 28 novembre dans le « JDD ».

La PPL a-t-elle une chance d'être adoptée d'ici la fin de la session parlementaire, fin février ? « Ça sera compliqué d'adopter définitivement le texte sous cette mandature », reconnaît la députée Cécile Muschotti. Le texte doit encore passer sous les fourches caudines du Sénat, or, aucun groupe ne souhaite l'inscrire au Palais du Luxembourg.


Source : lequotidiendumedecin.fr