« Seules les méthodes ciblant les sites où les personnes se trouvent, en allant "au-devant d'elles", pourraient être efficaces », met avant le Pr Daniel Dhumeaux, coordonnateur des recommandations hépatites B et C 2014 et 2016, dans l'éditorial ouvrant le numéro du « Bulletin hebdomadaire épidémiologique » (BEH) du 20 juin. Celui-ci est intégralement consacré à la prise en charge spécifique des populations vulnérables à l'occasion de la journée nationale de lutte contre les hépatites B et C.
Avec l'accès universel aux nouveaux traitements des hépatites virales décidé par Marisol Touraine, le dépistage de ces populations tenues éloignées du système de soins est un enjeu plus que jamais d'actualité. L'efficacité des antiviraux d'action directe (AAD) n'est plus à prouver. Plus de 22 600 patients infectés par le VHC ont été traités entre 2014 et 2015. Parmi eux, 20 300 sont guéris.
Selon les derniers chiffres publiés par Santé publique France, l'activité de dépistage augmente régulièrement chaque année… mais pas assez, notamment pour le VHC. Si la prévalence de l'hépatite C chronique diminue (0,42 %, soit 192 700 personnes), 75 000 personnes infectées l'ignoraient en 2014.
Des profils très précis à cibler
Or les populations les plus touchées – usagers de drogues, personnes détenues, migrants – sont difficilement accessibles aux soins en raison « d'une ou plusieurs caractéristiques de fragilité, du fait de leur santé, leur statut économique et social, leur mode de vie, leur éducation », explique l'hépatologue du CHU Henri-Mondor (Créteil).
Près de la moitié des usagers de drogue (UD) sont infectés par le VHC (44 %). Le chiffre monte à 65 % chez les UD par voie injectable, et s'envole chez les UDI russophones (90 %) comme le révèle l'enquête ANRS-Coquelicot 2011-2013 publié dans le BEH. Malgré un meilleur niveau d'études que les francophones, les conditions de vie plus précaires « traduisent un déclassement social en lien avec la migration ». Pour le Pr Dhumeaux, « de telles études sont précieuses, permettant d'adapter la prise en charge sanitaire et sociale à leur profil ».
Dépister mais aussi vacciner les migrants
La population des migrants, globalement l'une des plus touchées par le VHC avec 50 000 personnes infectées en 2011, figure parmi celles « pour lesquelles les objectifs de dépistage et d'accès au traitement seront les plus difficiles à atteindre », relève le Pr Dhumeaux. Les migrants originaires de zones de forte et moyenne endémie sont également très exposés à l'infection par le VHB.
Dans le BEH, deux expériences de dépistage systématique, l'une au centre de santé du Comede à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre et l'autre dans deux permanences d'accès aux soins de santé (PASS) à Créteil, confirment une prévalence élevée du VHC (respectivement 1,8 % et 3,1 %) et du VHB (6,8 % et 7,4 %). Dans les deux expériences, très peu de sujets connaissaient leur statut.
Chez les migrants, le BEH souligne un renforcement nécessaire de la prévention, notamment par la vaccination VHB, alors que près de la moitié des personnes n'étaient pas immunisées, dans l'étude du Comede. Selon Santé publique France, 80 % des cas d'hépatite aiguë B déclarés en France auraient pu être évités par la vaccination.
Des actions à développer
Pour les personnes détenues, si la prévalence est élevée (2,5 %, soit environ 1 500 détenus), « cinq fois supérieure à celle de la population générale », souligne le Pr Dhumeaux, le constat est plutôt encourageant. Selon une étude menée auprès de 168 unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) en 2015, « le dépistage de l'infection virale C est effectif pour 70 % des personnes détenues ». L'évaluation de la fibrose hépatique est réalisable dans la plupart des USMP et plus de la moitié d'entre elles bénéficient d'une consultation spécialisée sur site. Si d'importantes disparités existent entre les USMP, « la dynamique semble enclenchée », se réjouit le Pr Dhumeaux.
Les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) ont fusionné en janvier 2016 avec les Ciddist (Centre d'information, de dépistage et de diagnostic des IST) pour faire la place aux nouveaux CeGIDD (centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic du VIH, des hépatites et des IST). Pendant plus de 20 ans, les CDAG ont fourni une offre de dépistage aux personnes vulnérables. Un article publié dans le BEH qui fait le bilan de 15 ans de surveillance salue près de 450 000 dépistages des hépatites virales réalisés en 2015 par les 350 CDAG répartis sur tout le territoire.
Pour améliorer le dépistage des personnes vulnérables, les interventions d'équipes mobiles dans les quartiers et structures sensibles sont à développer, suggère le Pr Dhumeaux, notamment avec « la proposition systématique de tests d'orientation diagnostique (TROD) et d'une évaluation de l'état du foie (FibroScan) ». Le rapprochement des professionnels des Csapa (centre de soins d'accompagnement et de arévention en addictologie) et des Caarud (centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques liés à l'usage des drogues) est un autre axe d'amélioration. « Pour autant, le succès implique, à chaque endroit, une mobilisation forte des acteurs concernés », souligne le Pr Dhumeaux qui lance un appel aux agences régionales de santé (ARS) et Agnès Buzyn, nouvelle ministre de la Santé.
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