Dès la rentrée, le monde de la psychiatrie alertait sur l’émergence de nouvelles demandes depuis la fin du confinement, pour des troubles dépressifs et anxieux en partie liés au contexte pandémique. De nouvelles études viennent confirmer ces observations de terrain et identifier des populations plus vulnérables que d'autres.
Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès menée fin septembre avec l'IFOP à l'aide d'un échantillon représentatif de la population française auprès de 2000 personnes montre que le déconfinement s'est accompagné d'une augmentation des pensées suicidaires. Parmi les 20 % de répondants déclarant avoir envisagé le suicide, 11 % déclarent y avoir pensé durant le premier confinement, 17 % depuis le déconfinement, « ce qui doit nous faire prendre conscience collectivement que la crise est devant nous », commente le Pr Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l'Observatoire national du suicide, coordonnateur de l'enquête.
En outre la permanence d'une proportion de 20 % de Français ayant eu des idées suicidaires retrouvées entre 2016 (année d'un pic de chômage de masse) et 2020 « est bien le signe que la période de l’après confinement est une période de fragilisation psycho-sociale », estime-t-il. D'autant que les passages à l'acte, eux, semblent en hausse : en 2020, 27 % des Français ayant des idées suicidaires disent avoir déjà fait une tentative conduisant à une hospitalisation, contre 22 % en 2016. Chez les moins de 35 ans, ces proportions sont passées de 26 % en 2016 à 33 % en 2020. Le Pr Debout avance plusieurs explications : la difficulté de se faire soigner, la désorganisation des soutiens associatifs, ou encore les difficultés accrues d'insertion professionnelle et sociale.
Dirigeants d'entreprises, artisans-commerçants, chômeurs à risque
Le facteur social conduirait même à définir certaines catégories plus à risque de suicide. Les dirigeants d'entreprise et les chômeurs seraient 27 % à avoir eu des idées suicidaires, les artisans-commerçants 25 %, ces derniers représentant plus de 40 % des Français ayant tenté de se suicider. Les commerçants se distinguent aussi (avec les chômeurs) par des consommations d'anxiolytiques, tranquillisants, somnifères, ou encore régulateurs thymiques supérieures à la moyenne. « À l'avenir, ces catégories de la population pourraient avoir une pratique suicidaire qui se rapproche de la situation que connaissent déjà les agriculteurs, une catégorie sombrement touchée par ce fléau », lit-on.
Les modalités du second confinement ne devraient en rien améliorer la situation, considère le spécialiste, puisqu' « à la différence du premier où la solidarité a pu s'exprimer, celui-ci provoque l'incompréhension des secteurs économiques qui doivent cesser leur activité ».
« Les gens sont sortis du premier confinement épuisés, avec une pression réelle de beaucoup d'entreprises et parfois des travailleurs eux-mêmes, pour mettre les bouchées doubles. Beaucoup n'ont plus de ressources pour vivre un deuxième confinement », commente auprès de l'AFP Xavier Alas Luquetas, psychothérapeute et cofondateur du cabinet Eléas, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux.
« Je voudrais qu'on soit autant mobilisés face au risque suicidaire que face au Covid car si on prend en compte tous les effets induits des confinements, il y aura des effets dévastateurs sur la santé globale », dénonce encore le Pr Debout.
30 % des Français en détresse psychique lors du premier confinement
Les premiers résultats de l'étude COCLICO conduite par l'IRDES entre le 3 et le 14 avril 2020 (alors que le confinement a été décrété le 17 mars) auprès de plus de 20 000 personnes, permettent aussi d'identifier des populations à risque psychologique voire psychiatrique.
Plus de 30 % (33 %) des répondants au questionnaire manifestaient une détresse psychologique, dont 12 %, des formes graves. Présenter des facteurs de vulnérabilité au Covid-19 n'était pas associé à cette détresse, ni être âgé - ce qui peut s'expliquer par un effet protecteur du confinement.
En revanche, les auteures ont retrouvé une association avec le fait d'être une femme, peut-être parce que celles-ci ont eu davantage à assumer le fardeau des tâches domestiques et éducatives au sein du foyer. Les malades chroniques, les personnes avec un terrain psychique vulnérable, ou encore sans liens sociaux, apparaissent aussi comme plus à risque, ainsi que les Français qui vivent avec la crainte d'une dégradation des conditions financières en raison de la crise. Autant de groupes qui doivent être identifiés pour bénéficier d'interventions spécifiques, conclut l'IRDES.
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