La greffe rénale entre proches, une option à proposer plus tôt dans l'insuffisance rénale chronique terminale, exhorte l'ABM

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Publié le 29/11/2022
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Crédit photo : Burger/Phanie

« Je n'ai plus de rein à donner, mais si je pouvais faire un nouveau don d'organes, je le ferais. J'encourage mes enfants et mes amis à faire de même », assure Marie-Hélène Peterson, 52 ans « en très bonne santé », qui a donné un rein à son mari Christophe en septembre 2020. Alors que son état se dégradait malgré cinq mois de dialyse, « c'était une évidence », se souvient-elle. « Cela m'a redonné la vie, alors que la dialyse ne fait que maintenir en vie », salue l'ancien patient en insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), plus que jamais déterminé à faire connaître cette option thérapeutique.

La greffe rénale à partir de donneur vivant est trop souvent évoquée en dernier recours, alors qu'elle devrait être envisagée précocement dans le cas d'une IRCT, en tant que meilleure option pour le patient, plaide l'Agence de la biomédecine (ABM), qui lance du 28 novembre au 15 décembre une campagne de sensibilisation à l'égard du grand public et des professionnels de santé. Plus de 90 000 Français sont traités pour une IRCT.

Objectif : 20 % de greffes du vivant d'ici à 2026

Le 4e plan greffe 2022-2026 fixe l'objectif de 20 % de greffes rénales issues de donneurs vivants - contre 15 % aujourd'hui. En effet, 502 greffes rénales (dont 24 pédiatriques) ont été réalisées grâce à un donneur vivant en 2021, sur un total de 3 252 greffes rénales. Les dix premiers mois de l'année 2022 font preuve d'une augmentation de 2 % de ce type de greffes, par rapport à 2021.

« Les Français connaissent à 98 % cette option, 66 % considèrent que c'est une technique fréquemment pratiquée et maîtrisée - la première greffe rénale entre proches date de 1952 ! - et seulement 7 % pensent qu'il s'agit d'une solution de dernier recours », rappelle le Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint en charge de la politique scientifique de l'ABM, néphrologue et pédiatre. « Les médecins ne doivent donc pas hésiter à en parler avec le patient et ses proches dès le début de la maladie », plaide-t-il. « Il faut arrêter d'être tiède par rapport à la greffe du vivant : elle doit être une solution prioritaire, les néphrologues doivent en parler avec les patients et les proches », abonde le Pr Luc Frimat, président de la Société francophone de néphrologie dialyse et transplantation.

Les arguments en faveur du don du proche - famille élargie et entourage apportant la preuve d'un lien affectif depuis au moins deux ans - sont nombreux. La greffe d'un rein d'un proche présente de meilleurs résultats en termes d’espérance et de qualité de vie pour les patients. Dix ans après la greffe, la survie des greffons prélevés sur donneurs vivants est de 76,3 % contre 61,4 % pour les greffons à partir de donneurs décédés. Le risque de rejet est moindre, en particulier lorsque la greffe se fait entre membre d'une même famille. La qualité de vie est meilleure qu'avec la dialyse.

La greffe est plus rapide qu'à la suite d'un don post-mortem (moindre durée d'ischémie) et il n'y a pas de liste d'attente. Pour rappel, au 1er novembre 2022, 9 890 patients étaient sur liste d'attente active pour une greffe de rein, 8 776 en liste inactive. Quelque 13,8 personnes y entrent chaque jour, quand, en miroir, on compte seulement 9,3 greffes quotidiennes en 2022.

En outre, la programmation d'une transplantation à partir d'un donneur vivant est beaucoup plus sereine. « Il n'y a pas eu l'attente d'un coup de fil à 4 heures du matin, le stress d'être opéré ou écarté car plusieurs potentiels receveurs sont appelés », confirment les époux Peterson. Du côté du donneur (prudemment sélectionné, puisque sur trois candidats donneurs, un seul est retenu à l'issue d'une batterie d'examens), l'espérance de vie est inchangée, les risques lors du prélèvement sont minimes et aucun décès n'est rapporté dans le registre français. L'ABM recommande notamment que les donneurs soient suivis une fois par an, sur le plan rénal et global. Si c’était à refaire, 98,4 % des donneurs disent vouloir recommencer.

Des freins et des leviers

Lorsque le proche qui souhaite donner n’est pas compatible avec le patient, la loi de bioéthique de 2021 encourage le don croisé en ouvrant la possibilité de mobiliser jusqu'à six paires de donneurs et de receveurs consécutifs (et non plus deux), et d'intercaler dans la chaîne un organe prélevé sur une personne décédée. Quatre greffes ont été ainsi réalisées en 2022 (les premières depuis 2017), 18 paires sont en attente sur la liste Cristal, précise au « Quotidien » le Pr François Kerbaul, directeur national du prélèvement et de la greffe organes et tissus à l'ABM. « Les généralistes doivent savoir qu'une incompatibilité entre proches ne signifie pas impossibilité », explique-t-il.

Mais il reste plusieurs obstacles sur la voie de la généralisation de la greffe rénale issue du vivant, comme le manque de personnel médical et paramédical, la disponibilité des blocs opératoires, ou encore l'aval institutionnel. « Nous avons le soutien de notre direction qui a engagé des moyens financiers et humains pour cette activité où il faut une symbiose et confiance entre néphrologues, équipe chirurgicale, et infirmières de coordination », témoigne le Pr Vincent Vuiblet, néphrologue au CHU de Reims, qui espère atteindre 30 % de transplantations issues du vivant en 2022. 


Source : lequotidiendumedecin.fr