Deux réformes qui passent mal

La majorité contre le gouvernement

Publié le 14/12/2008
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LE TABLEAU GÉNÉRAL des réformes s'assombrit. À l'Éducation nationale, la résistance à la réforme des lycées associe les élèves, les parents et les enseignants, et le stoïcisme de Xavier Darcos n'empêche pas qu'on se pose des questions sur la réussite d'un projet qui déchaîne une telle hostilité. Cependant, le gouvernement n'est pas obligé de convaincre les élus de l'UMP pour faire passer sa réforme, alors que, dans le cas de la télévision et du travail du dimanche, une bonne partie de la majorité est très remontée. Et elle l'est principalement parce que, sur le terrain, les députés rencontrent des électeurs qui crient leur mécontentement.

M. Sarkozy tient bon, car, dit-il, il n'y a rien de pire que de ne pas tenir une promesse électorale?; et il s'est engagé à faire ces réformes comme les autres. Dans le cas des télévisions publiques, il vient de recevoir le soutien de Marin Karmitz, producteur bien connu ; il estime que le président a sauvé les chaînes publiques en leur assurant un financement qui devait fatalement diminuer dès lors que le le nombre de chaînes privées se multiplie, ce qui réduit d'autant le gâteau de la publicité. En ce qui concerne la désignation du P-DG de France-Télévisions par le chef de l'État, « sous le contrôle du CSA », beaucoup d'observateurs estiment que M. Sarkozy a mis fin à une hypocrisie, dans la mesure où, jusqu'à présent, le CSA n'a jamais désigné un homme ou une femme qui aurait déplu au pouvoir.

Des cadeaux aux chaînes privées.

L'opposition, elle, accuse l'Élysée de faire des cadeaux aux chaînes privées, dirigées par des hommes avec lesquels M. Sarkozy ne cache pas ses affinités, comme Martin Bouygues, propriétaire de TF1. L'idée de supprimer la publicité sur les chaînes publiques pour accorder aux privées le droit de procéder à une deuxième coupure publicitaire pendant un programme est franchement intolérable. On peut avoir envie de voir un bon film ou un reportage sur une chaîne privée sans être, comme aux États-Unis, constamment perturbé par la publicité. La France ne devrait en aucun cas franchir le pas de la deuxième coupure (pourquoi pas trois ou quatre ?).

La nomination du P-DG par l'Élysée est objectivement un scandale. Ceux qui affirment que, de toute façon, l'exécutif, quel qu'il soit (et c'est donc valable pour la gauche si elle revient aux affaires), ne laisserait pas passer une nomination qui ne lui conviendrait pas, se résignent à ce que le lien entre le pouvoir et la télévision demeure et se renforce ; alors que des exemples sont fournis par beaucoup de pays, qui ont aboli ce lien définitivement et dont la télévision publique est de grande qualité.

À nos yeux, il s'agit d'une réforme de trop. Elle est mal conçue, elle n'est pas libérale, elle n'assure pas du tout la pérennité du financement, qui restera soumis aux aléas politiques. De ce point de vue, l'entêtement du chef de l'État n'a plus rien à voir avec la nécessité de tenir une promesse électorale (il s’était seulement engagé à assurer le financement des chaînes publiques). Il ne les tiendra pas toutes ; et la création audiovisuelle mérite mieux qu'un concept qui assimile la télévision à une entreprise publique comme les autres. La télé ne produit pas des machines, c'est un produit à la fois industriel et intellectuel qui véhicule des idées. Elle doit être libre de toute influence financière ou politique.

On ne force personne.

Le travail du dimanche est une tout autre affaire. Sept millions de Français travaillent déjà le dimanche et, sans eux, le pays ne fonctionnerait pas. Il suffit d'imaginer une interdiction totale du travail le dimanche pour comprendre qu'elle sèmerait le chaos : il n'y aurait plus aucune sécurité individuelle si aucun policier ne travaillait ; plus de sécurité nationale ; plus de sécurité sanitaire, plus de transports publics, plus aucun ravitaillement d'aucune sorte. Une panne sérieuse, comme une coupure de courant, se transformerait en catastrophe.

Dans ces conditions, de quoi s'agit-il ? De permettre à d'autres services, commerces ou industries, de ne pas respecter le repos dominical. Il n'est nullement question d'en faire une règle ou d'admettre qu'un emploi ne sera pas accordé à qui refusera de travailler le dimanche, comme l'affirment les syndicats, la gauche et une partie de la droite. On ne forcera personne à travailler le dimanche, même si on peut se demander pourquoi il serait épouvantable qu'un autre jour de congé remplace le dimanche. Cela peut être utile pour faire des courses ou aller chercher ses enfants à l'école. Cependant, c'est clair : une majorité de Français (pas écrasante) semble hostile au travail dominical. Cela doit être lié à un fond catholique ancien et aussi à une détestation du travail, toujours perçu comme pénible, même si les services ont largement remplacé les vieilles industries sonores, polluantes et dangereuses.

Il n'est pas vrai non plus que le travail dominical n'apporterait rien à l'économie. Une augmentation de l'offre se traduit toujours par une augmentation de la demande. Dans une période aussi inquiétante, il nous semble absurde de ne pas donner au pays un moyen de plus de créer un peu de richesse.

POUR LA TÉLÉ, C’EST UNE RÉFORME DE TROP

Nicolas Sarkozy a tenté de convaincre les élus UMP

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8480